Une entrée en scène fracass...ée. [Maebara, Heaven]

Enfin un minimum de temps libre... D'après le programme de l'Académie, les journées étaient loin d'être surchargées... Tu parles ! Je pouvais n'avoir que trois cours dans la journée, cela suffisait à me crever. J'espérais presque m'intéresser un jour les pokémon, pour être un minimum inspirée par ce que disaient les profs. Pour l'instant, j'avais plutôt envie de m'endormir sur mon bureau que d'écouter bien sagement comme le faisaient mes très chers camarades. Ces derniers avaient la capacité de m'exaspérer lorsqu'ils parlaient de leurs petits compagnons poilus, plumus et pattus. Comment pouvait-on avoir tant d'enthousiasme ? Je n'en avais pas la moindre idée... En effet, il me suffisait de jeter un coup d’œil à mon équipe pour me demander ce que je fichais à Gakuen.
D'accord, Ivan avait toujours été sympa avec moi... seulement, il ne m'attirait que des ennuis depuis mon arrivée à attaquer les animaux de compagnies des élèves. Heureusement, depuis l'arrivée d'Ania, il s'était un peu calmé et était plus ouvert aux autres. Mais parlons-en de celle-la... Elle me ruinait en produits de luxe : j'avais intérêt à acheter les friandise de qualité supérieure si je ne voulais pas la voir s'enfuir, ou pire, mourir sous mes yeux. De plus, à l'instar de l'Osselait, elle avait tendance à aller embêter ses amis pokémon; non pas en les assommant avec un fémur cette fois, mais plutôt en jouant les allumeuses avec tous les mâles qu'elle ne trouvait pas trop laids. Maudit soit celui qui lui avait appris Attraction, fut-il Arceus lui-même.

Pour une raison de sécurité, j'avais donc laissé ces deux monstres dans ma chambre. Je me souvenais encore de l'incident qui était survenu il y avait près d'un mois, lorsque le pokémon Sol avait enfoncé la porte du dortoir pour me rejoindre alors que je l'avais enfermé. Pourtant, cette fois-ci, je ne paniquai pas. Tant qu'il était avec la Vipélierre, celle-ci l'empêcherait de salir ou abîmer le mobilier, maniaque comme elle était. Et puis, avec elle, il avait un compagnon de jeu qui lui permettrait de m'oublier trente secondes... Je crois donc que cette "balade" dans les couloirs de l'Académie était la première que je pus passer sans me faire interpeller par un dresseur qui voudrait porter plainte.

Eh, toi, le garçon à la casqu... Euh... ...

Garçon ? Désolé mon gars, tu t'es trompé d'adresse ! M'avait-il confondue avec l'un de ses amis, également présent dans l'école, qui porterait des vêtements semblables aux miens ? Si oui, la question était : Pourquoi m'avoir nommée "garçon à la casquette" ? Oh non... ne me dites pas que...

Oh, euh, excusez-moi mademoiselle...

Et si. On m'avait encore prise pour un homme... Ça pouvait être drôle au début, mais là, ça devenait limite agaçant; en particulier depuis l'adoption d'Ania, que je préfère effacer de ma mémoire. Et encore ! Mes cheveux avaient repoussé depuis ! Je n'étais même plus obligée de porter l'affreux jogging rouge que l'on m'avait prêté en guise de rechange. J'avais enfin pu remettre mon costume bleu chéri. Certes, celui-ci n'était pas très féminin, mais on comprenait facilement qu'il s'agissait d'un ensemble pour filles. Alors, pourquoi persister à me prendre pour un garçon ? Je devais trouver une explication. Il y en avait forcément une. À moins que j'aie changé de sexe pendant la nuit, la seule option qu'il restait était la suivante : encore un nouveau.
Coup de bol pour lui : je me passerais de lui mettre une droite. Il 'y aurait pas échappé s'il avait eu plus d’ancienneté. Je ne pouvais que jouer les élèves modèles en lui indiquant quel chemin prendre...

Ce n'est rien... dis-je d'un ton peu convaincant, Tu es nouveau ? Tu es perdu ?

J'avais eu BEAUCOUP de mal à ne pas le traiter de "sale gosse", "enfoiré" ou autre nom tout aussi agréable. Cet abruti avait fichu en l'air ma fin-de-matinée-tranquille en mettant de mauvais poil. Ah... pourvu qu'il donne un réponse négative, qu'il trouve seul sa chambre, comme un grand, il qu'il me fiche la paix...

Quand je parlais avec cette voix hautaine, je m'attendais en général à deux types de réactions. Soit la personne se retenait de ma frapper parce qu'il "ne faut pas frapper les filles", soit elle m'évitait pendant les années qui suivaient. Évidemment, je n'aurais jamais pu deviner ce qui allait se passer. Je voyais de déjà le nouveau s'énerver comme un gamin et partir demander son chemin avec quelqu'un d'autre. Ou mieux : il déciderait peut-être de se débrouiller tout seul, pour une fois. Bizarrement, je vis ses yeux se remplir d'étoiles. Il joint ses mains, mimant un croyant qui prierait Arceus et fit couler des larmes. Je l'avais vexé ? J'aurais bien aimé mais... non. À mon grand regret, il s'agissait de larmes de joies.
Quel est le fuck ? Qu'est-ce qui n'allait pas chez ce type ? Il n'avait donc pas compris que je me fichais de lui, qu'indirectement, je l'envoyais balader ? Alors là, j'en restais sidérée. Ce garçon était-il innocent à ce point ? Après deux secondes de réflexions, je me fis à l'idée qu'il était simplement très c*n. Ouep. C'était la seule explication. J'espérais presque avoir affaire à un fou évadé de l'asile psychiatrique le plus proche. Et oui, parce que je ne sais pas vous, mais je me voyais mal devoir rester dans la même école que ce taré.

Je... Je... Pardonnez-moi d'avoir été aussi impoli envers-vous maîtresse...

Que... pardon ? Que se passait-il ? J'étais impolie envers quelqu'un et voilà qu'il me vénérait. J'étais sûre que j'allais me réveiller, dans un lit d'infirmerie, après avoir percuté ce gars avant qu'il n'ait pu me parler. Sinon, ça ne pouvait être qu'une mauvaise blague.. Et mais ! Ça y était ! J'avais tout compris ! Depuis le début, ce gamin se fichait de moi ! Je me demandais bien comment il avait pu ne pas comprendre que j'étais une fille puis réagir d'une telle manière après s'être fait ridiculiser. La solution était là : depuis le début, j'étais le Poussifeu de la farce (Poussifeu/dindon... blague pourrie... compris ?).
Il allait amèrement regretter ce qu'il venait de dire. Quel serait son châtiment ? Une baffe, une châtaigne ? Une mandale ? Seulement, avant que j'aie pu le frapper, tandis qu'il continuait à se prosterner tel un lamasticot, un "POC" résonna sur le sol. Ce son m'était légèrement familier. En regardant par terre, j'obtins ma réponse. Une pokéball jisait, ouverte. elle devait être la source de ce petit bruit. Et, un mètre plus loin, une forme rougeâtre, plus ou moins ronde, se débattait avec un être imaginaire. Je n'eus pas de bal à l'identifier : c'était le mythique et inutile Magicarpe, allias le poisson de Kanto. Étant originaire de Lavanvlle, j'en avais vu plus d'un. La plupart du temps, ils avaient été abandonnés par leurs dresseurs qui, après un éclair de génie, avaient compris qu'il ne leur servait à rien. Pourtant, il avait divers utilités... sushis, fishburger, Findus (bien qu'on ait eu affaire au scandale de l'Hypotrempe dans leurs plats à réchauffer)... C'était du gaspillage que de les laisser barboter dans le lac.
Tout à coup, je réagis. D'où sortait ce pathétique pokémon ? Tout de même pas... et si ! La ball venait de se dérocher de la ceinture de mon admirateur après qu'il ait (mal) exécuté une révérence. Il n'osait pas venir à Gakuen avec un Magicarpe comme starter ? C'était juste... ridicule ! Devant le spectacle de la carpe dansant sur le parquet bien ciré sous le regard dépité de son heureux propriétaire, je ne pus m'empêcher de rire. Le garçon tenta bien de l'ignorer, mais à présent, tous les élèves présents l'avaient remarqué, la plupart retenant un gloussement nerveux. Qu'attendait-il pour le faire re-rentrer dans la sphère rouge et blanche ? Le déluge ? Il voyait bien que son cher pokémon s'asphyxiait, non ?
Soudain : retournement de situation. Le fier Magicarpe se gonfla, ferma la bouche et commença à faire des bonds spectaculaires pour impressionner l'audimat. Ironie du sort : cela fit encore plus rire les spectateurs. Moi, en revanche, je serrai les dents. je trouvais que le poisson s'approchait bien trop de moi à mon goût. Il venait de sauter dans les cheveux de son humain, il pouvait très bien faire de même avec moi. Or, je n'en avais pas spécialement envie. Dommage. ce qui devait arriver arriva. Comme la mort arrivant au ralenti, je vis le pokémon se diriger vers moi, d'un saut qui se voulait gracieux. Je crus que c'était la fin. Que cette sale bête allait atterrir sur ma tête. Que j'allais mourir de honte. Je fermai les yeux, espérant un miracle.

Lorsque je les rouvrit, le miracle s'était produit. La carpe était retournée au sol, faisant des mouvements inutiles et fatigants. Que s'était-il passé ? Son dresseur l'avait-il retenu ? Un cognement contre mon tibia me prévint d'une présence. Je regardai mes pieds... et qu'elle ne fut pas ma surprise en y découvrant mon Osselait ! Il était talonné par la vipère, essoufflée. Je n’avais jamais été aussi contente de les voir ; seulement… j’avais peu pour la porte et l’état dans laquelle je la retrouverais. Avec de la chance, les compères avaient eu la présence d’esprit de tourner la poignée plutôt que de la défoncer. Tout en priant silencieusement pour elle, je remerciai les bestiaux qui m’avaient sauvé. S’ils n’étaient pas sortis pour faire la course dans les couloirs, je serais morte à l’heure qu’il est.
Au fait… qu’était-il arrivé au nouveau ? Il n’avait peut être pas apprécié le fait qu’Ivan ait shooté dans son starter avec un os : après tout, aussi débile qu’il était, c’était son compagnon. Je lui lançai un regard interrogé. Non seulement il s’était retrouvé avec son Magicarpe dans la figure, mais en plus, mon pokémon venait de ratatiner le sien en un revers. Dur comme premier jour à l’Académie.

Le nouveau avait fixé toute la scène sans rien changer à son air stupide. Il n'avait même pas réagi lorsque son Magicarpe m'avait bondi, ou encore quand Ivan l'avait dégagé d'un coup de fémur dans la face. Ce fut seulement après quelque secondes de réflexion (qui, j'en suis sûre, constituèrent une dure épreuve à surmonter pour notre ami), qu'il se "réveilla". Il se releva, après avoir ramassé son sushi, et prit son air sérieux. Aïe ! Ça craignait ! Je le savais ! Je le savais : il allait s'énerver que mon Osselait s'en soit pris un plus faible que lui, qu'il ait profité de l'inutilité du poisson pour le battre, ou encore qu'il n'y avait aucune gloire à tirer d'un tel acte. Pire : il pouvait sortir de ses gonds et faire éclater une bagarre. Et là, aussi garçon manqué que j'aurais pu être, je n'aurais probablement pas fait le poids dans une baston. Hé ! Je n'avais pas envie de combattre, et surtout de perdre pour une raison aussi futile ! Le dresseur commença à parler. Je frissonnai.

Tu n'es pas n'importe qui, à ce que je vois. A ce jour, peu de personnes peuvent se vanter d'avoir pu repousser une attaque UltimaPoing de mon Magicarpe. Je suis surpris, vraiment.

Ben ça alors ! pour moi, qui m'attendais à une remarque cinglante de sa part ou à une châtaigne dans mon joli minois... j'avais droit à des félicitations ? Génial ! mais... attendez...
U... Ultimapoing ?!! Ultimapoing était une attaque terriblement puissante, mais elle était assez commune, donc rien de choquant... cependant... c'était bien la première fois que j'entendais dire de quelqu'un que son Magicarpe maîtrisait cette capacité. Or, j'avais passé plus de douze ans à Kanto, je connaissais très bien les représentants de cette espèce. Ils n'étaient apte à apprendre que Charge, Fléau, Rebond si on avait un peu de chance, et la mythique Trempette. Impossible de lui apprendre une CT, impossible de demander un coup de main à un Maître des capacités ou à un entraîneur pour lui faire cracher un simple Pistolet à O. Il n'y avait qu'une seule réponse possible : ce type mentait
Ah ! Il n'en avait pas assez de me traiter de gars, d'envoyer son horrible pokémon gluant sur mes cheveux... il devait maintenant raconter des bobards à toute l'école pour améliorer son image. Réalisait-il qu'il s'enfonçait ? Quel idiot ! Personne ne croirait à cette histoire. J'entendais bien des gamins demander à leurs aînés « Son Magicarpe connaît vraiment Ultimapoing ? », malheureusement pour lui, les plus expérimentés balançaient la tête de droite à gauche, puis de gauche à droite. Cela, le jeune garçon ne sembla pas s'en rendre compte. D'après le sourire niais qu'il affichait, fier, il n'avait entendu que les mômes poser cette question idiote. Qu'est-ce que j'avais fait pour me retrouver face à un imbécile pareil, qui ne voyait que ce qu'il voulait, n'entendait que ce qui lui plaisait et se croyait élégant dans sa manière de parler. Il essaya de me convaincre de cette manière, en expliquant en cinq minutes ce qu'il aurait pu résumer en une phrase : « Où sont les toilettes ? » « Tu peux m'aider à trouver ma chambre ? ». Il continua à saluer son public avec toutes ses dents. En réalité, à part un ou deux débutants qui n'avaient pas compris la leçon et Ania, personne ne portait d'intérêt à lui. Mais bon... il fallait continuer à jouer son jeu : je pouvais très bien lancer les pires rumeurs sur lui une fois qu'il aurait rejoint son nouveau lit...

Mais bien sûr, je serais ravie de montrer le chemin au seul dresseur sur Terre ayant réussi à apprendre Ultimapoing à un Magicarpe. Laissez-moi vous guider jusqu'aux escaliers; si votre sens de l'orientation est aussi affuté que votre talent d'entraîneur, vous devriez être capable de trouver votre chambre seul à partir de là.

J'accentuai le tout d'une révérence. La scène aurait pu paraître totalement ridicule, si le dresseur ne m'avait pas parlé comme à un dieu quelques minutes plus tôt. À côté de ça et de sa vantardise, mon geste de courtoisie passait totalement inaperçu. Nous allions entamer notre marche lorsque l'un de ses jeunes admirateurs l'approcha, avec le même air de stalker que la Vipélierre. Tss. Encore un sale gosse. Je ne montrai pas mon dégoût, devant rester 'gentille" à tout prix. Il lui demanda son nom... parfait ! J'allais pouvoir me renseigner sur lui avant de le ridiculiser ! J'attendis sa réponse avec impatience, bien que le temps de silence n’excéda guère les cinq secondes...

Appelle-moi Kay.

Comment ça, Kay ? Il n'avait pas de nom de famille ? À moins qu'il n'ait essayé de dire la lettre K "en anglais parce que ça fait plus cool"... Le crétin ! Tenait-il tant que ça à son image de super héros ? Plus il en faisait, plus j'espérais que je pourrais le rabaisser. Il allait avoir un beau séjour à Gakuen, lui ~
Il me surprit en se tournant vers moi, alors que je pensais qu'il étai trop occupé à répondre à l'interview surprise qu'avaient lancé ses jeunes admirateurs.

Et toi, comment t'appelles-tu ?

Super : le moment que je détestais le plus quand je rencontrais de nouvelles personnes : leur donner mon nom. Pourquoi ? Premièrement parce que je n'estimais pas utile qu'ils le connaissent tant que je ne leur faisait pas assez confiance, et que ça ne les regardait pas; deuxièmement parce que mon nom suscitait souvent les moqueries. Heaven. Le paradis. On aurait dit le nom de code de l'héroïne d'une série policière pour vieilles dames. Allais-je l'imiter et me faire appeler H. ? Pas question ! C'était bien trop nul et évident comme sobriquet ! Bof, j'allais donner le vrai, en espérant qu'il croie à une feinte.

Tu peux m'appeler Heaven, enchantée...

Il m'avait fallu fournir d'incommensurables efforts pour ignorer le ton froid et haineux qui sommeillait dans le fond de ma gorge. J'avais tenté de sourire. Je ne savais pas ce que ça avait donné. Je n'étais pas très douée pour mentir, mais, face à un abruti comme ce Kay, n'importe quoi aurait fait l'affaire. Sans l'attendre, je commençai à gravir une ou deux marches. Ce que j'aurais aimé qu'il ne fasse pas attention à moi et que je puisse fuir, la conscience tranquille...

Dépêches-toi, avant que tes fans ne te piétinnent...

Plus je parlais, plus le nouveau semblait progresser. À son air dégoûté, je devinais qu'il comprenait enfin que je n'étais pas l'ange gardien qu'il attendait. Pourquoi lui avait-il fallu tant de temps pour percevoir l'ironie qui se cachait dans mes paroles ? Ce n'était pas non plus comme si j'avais fait des efforts pour ça. OK, je m'étais forcée à sourire, mais mon ton ne s'accordait pas du tout avec mon expression. Bizarrement, ce fut quand je lui dit mon nom qu'il commença à se méfier. Trouvait-il que ce pseudonyme était bien trop cliché ou mignon pour un garçon manqué comme moi ? J'avais intérêt à ne pas lui révéler qu'il s'agissait du mon vrai prénom alors...
Après que je lui ai sommé de me rejoindre, il échappa à l'étreinte des gamins et courut, presque, dans l'escalier. Wow. J'avais l'air si menaçant que ça ? D'accord, j'étais en colère... ce n'était pas pour autant que j'allais vouloir le tuer. Il semblait tellement angoissé que je le soupçonnai de me croire capable d'empoisonner son yaourt à la cafeteria... Ce gars était tout de même passé de la vantardise à la paranoïa. Grâce à qui ? Moi. J'en avais presque honte, bien que j'avoue en avoir été fière un instant.

Euh... Ça fait longtemps que tu es dans cette école ?

Changement de sujet powa !!! Le pauvre était tellement traumatisé qu'il se sentait obligé de me poser cette question idiote. Je savais bien que si je n'avais pas été aussi peau d'Ecremeuh, il ne m'aurait jamais demandé une telle chose, du moins, pas avec cette voix là, qui était toute hésitante. J'avais presque envie de ne pas répondre. De toute façon, je crois qu'il n'attendait pas une telle chose de ma part. En effet, il ne me regardait plus dans les yeux. Son regard se promenait. Il le posa d'abord sur Ivan. Voulait-il étudier ce spécimen tout à fait collant et psychopathe, pour oublier sa phobie d'empoisonnement ou je-ne-sais-quoi ? Ça m'en avait tout l'air. Cependant, il regretta vite d'avoir fixé l'Osselait comme ça : ce dernier lui renvoya son regard. Ce n'était pas exactement le même : c'était le regard méchant et plein de reproches que je lui connaissais bien. Il le lançait à tous ceux qui, d'après lui, m'avaient nui : le gars qui m'avait accidentellement bousculé dans la rue, le Ponyta, le Poichigeon... Et il valait mieux ne pas le soutenir, au risque de se (re)faire attaquer.
Pour se changer les idées, il redirigea son attention, sur la Vipélierre cette fois-ci. Elle devait être bien moins effrayante : elle prenait soin de ses écailles, n'agressait personne et n'avait pas de lueur meurtrière dans les y-... Non, rien. en réalité, cet air de stalkeuse était bien plus flippant que celui du pokémon Sol. Les étoiles dans les yeux, ses petites pattes feuillues jointes, la bouche à moitié ouverte.. elle avait fait la même tête le jour où je l'avais adoptée, car je ressemblais alors à un garçon. Ici, elle semblait avoir jeté son dévolu sur le nouvel arrivant. Bah, ça faisait deux mois que la vipère était avec moi, je savais qu'elle allait vite oublier son prince charmant pour aller séduire un quelconque Skitty.

Bon, on est au premier étage. Ta chambre est ici ou il faut continuer à marcher ?

Nous avions effectivement atteint le premier palier. Cette fois, j'avais essayé de me faire la plus sympa possible. Bien sûr, j'avais toujours de la rancœur, mais je ne voulais pas non plus avoir l'image d'une fille mauvaise et non-accueillante au sein de l'Académie. Si j'avais de la chance, il logerait bien à cet étage, nous nous quitterions sur cette sympathique note, lui permettant d'oublier sa mésaventure. Là, mon image serait à peu près sauvée. Enfin... elle le serait dès que mes pokémon auraient fini de le zieuter comme ça et quand Kay aura fini de me dévisager comme une serial killer.

Ma chambre est au troisième

NON ! NON C'EST IMPOSSIBLE !
Pourquoi tant de haine ? Je devais encore me bouffer deux escaliers. Non seulement ça allait me péter les jambes, mais en plus, si je devais continuer à sourire et à parler gentiment tout ce temps, je risquais simplement de craquer...

...mais... je pense que ça ira, je peux trouver mon chemin tout seul à partir d'ici

Alleluja ! Mon boulet m'avait lui-même sauvé du supplice qui était de le traîner ! Enfin, il prenait un peu d'indépendance. C'était parfait comme ça. Je paraissais sympa puisque je l'avais accompagné jusqu'ici alors qu'il m'avait traité de mec, et en plus, je n'avais pas à le trimballer jusqu'au troisième. C'était... un miracle... sans hésitation. Un autre miracle survint justement : Kay avait fini de faire l'imbécile. Il ne jouait plus ni les superman, ni les chochottes. Avait-il fini par comprendre qu'aussi détestable je pouvais être, je n'allais pas l'étrangler dans son lit ? Visiblement, oui, puisqu'il me regardait dans les yeux sans trembler : un petit pas pour lui, un grand pas pour l'humanité ! Et puis... est-ce que j'hallucinais ? Il me présentait ses excuses... je devais être en train de rêver...
Bon. Ce n'était pas encore exactement ça. S'il avait été normal, il aurait demandé pardon dès le début et aurait pris congé de moi d'un simple "merci". De plus, il semblait presque regretter ce qu'il venait de dire. Bah, même un crétin comme lui devait avoir compris qu'il en faisait trop pour un simple quiproquo + un Magicarpe dans laggle. Après tout, Ivan avait bien massacré le poisson avant qu'il n'ait pu le toucher...

Du coup je t'en dois une. Bon, comme je suis nouveau je pense pas que je sois en mesure de t'apporter une grande aide mais... Je sais pas moi, si il te faut de l'aide à porter un truc lourd ou à cacher un cadavre, tu peux compter sur moi.

J'avais failli mal le prendre. Me soupçonner d'avoir un cadavre à planquer, ok... mais je n'étais pas faiblarde au point de ne pas pouvoir porter une stupide valise toute seule. Hé ! Même si dans un cas pareil, j'avais besoin d'aide, j'aurais trop peur de me ridiculiser en demandant à quelqu'un de costaud et je tenterais de me débrouiller par la force des choses, quitte à me déplacer la colonne vertébrale. Mais bon... je savais qu'il avait tenté de paraître sympathique avec sa merveilleuse blague sur le meurtre à cacher, se moquant de lui, qui avait du me croire capable des pires atrocités... donc je lui pardonnai, pour une fois.
Suite à cette proposition, il se décida à ENFIN me dire son vrai nom. De toute façon, je n'aurais pas mis longtemps à le découvrir. Si ça se trouvait, en plus, on aurait à se retrouver dans un cours et la... PAN, il aurait été démasqué. Bon, au mois, là, il évitait de subir les moqueries de tous, quand ils apprendraient qu'il était un simple étudiant, comme eux, mais qui avait en plus le privilège de commencer son aventure avec un sushi vivant. Ainsi, j'avais sous les yeux Keiichi Maebara, de Sinnoh. Lui, au moins, n'avait pas eu à voyager longtemps pour arriver, contrairement à moi. Une chose me choqua : Keiichi-->Kei-->K... En effet, comme je l'avais deviné, il n'était pas allé chercher son pseudonyme bidon bien loin... une initiale... Par rapport à ça, les lunettes de Clark Kent paraissaient être le fruit de l'imagination d'un génie.
Je manquai de le frapper lorsqu'il décrit "Heaven" comme un faux nom sympa. Je m'abstins, me souvenant que je le lui avait livré en connaissance de cause. De plus, c'était la faute de mes parents si j'avais un prénom aussi nul, pas la sienne...

Il était tant de m'en aller. Comme Keiichi avait eu la radieuse idée de préciser qu'il pouvait trouver le chemin de sa chambre tout seul, je ne me sentais plus obligée de le suivre. Mes pokémon avaient aussi compris qu'il était tant de retourner d'où ils venaient. Les deux s'étaient calmé. L'Osselait, en me voyant oublier ma colère, avait décidé de laisser le nouveau en paix. Anie, elle, avait repris son souffle et avait fini de fixer le garçon. D'ailleurs, elle s'en allait déjà. Au fond du couloir, elle avait remarqué un mignon petit Cériflor.

Bon, je vais te laisser dans ce cas. Au fait, si tu veux vraiment m'aider, pour le cadavre... viens devant ma chambre demain... espérant de pas attirer de souçons de meutre sur moi, j'enchaînai ... hum, je plaisante...

Ok, ce n'était pas drôle. Pas du tout. On ne pouvait pas me reprocher d'essayer de faire un peu d'humour pourtant ? Lui avait bien tenté d'en faire avec sa vanne à deux balles...

Ah. Au fait, pour "Heaven"... Je marquai une courte pause. Était-ce la peine de lui dire ? Bah... non... il le découvrirait bien assez tôt... ... non rien... bon, allez, tchüss !

Là dessus, je tournai les talons. Je voyais déjà le dresseur de la fleur rose me menacer de me poursuivre en justice pour avoir laissé un spécimen aussi dangereux que ma Vipélierre en liberté. Si je réussissais à la faire rentrer dans sa Luxe Ball avant qu'il n'arrive une catastrophe, ce serait parfait. À quoi auraient servi ces dernières minutes de gentillesse si on me faisait passer pour une criminelle juste après ?