Seule? [Libre :D]

Le bec de Jak percuta à de nombreuses reprises la porte en bois qui leur barrait le chemin. D’abord de manière relativement décontractée, puis de plus en plus fortement alors que la frustration du pijako augmentait.

« Y’a personne Jak, lâche cette pauvre porte. »
« On a pas fait tout ce chemin pour se heurter à une porte barrée! »
« Relaxe, c’est écrit de retour dans une heure. La secrétaire est certainement partie manger. »
« Mais elle savait qu’on arriverait! Elle était pas foutue de nous attendre? »
« T’es le premier à abandonner tout ce que tu fais lorsque c’est le temps de bouffer, tu devrais comprendre. »

À ces mots, Biron, assis sagement aux pieds d’Éliane, pouffa. Jak se retourna pour le fusiller du regard, mais ne répliqua rien et se contenta de cogner à nouveau à la porte. Puis, voyant que ses efforts restaient vains, l’oiseau s’envola dans un battement d’ailes irrité pour venir se poser sur l’épaule droite d’Éliane. La jeune fille lui caressa le poitrail avec un doigt, amusée.

« On a déjà mangé, elle aurait très bien pu en faire autant » râla-t-il, pour la forme.
« Allons, c’est pas la fin du monde, on va patienter, on a que ça à faire aujourd’hui de toute façon. »
« Mais y’a même pas de chaise pour attendre! On a fait un long voyage et… »
« Jak je vais survivre, j’suis pas mourante. »
« MAIS MOI JE… »

Éliane les talons, coupant court aux protestations de l’oiseau qui dû se cramponner à son épaule pour ne pas tomber durant la manœuvre. La jeune femme refit en sens inverse le trajet reliant le secrétariat au hall d’entrée, ignorant les invectivassions de Jak qui avait reprit de plus belle. La vaste pièce était déserte. Tous les étudiants qui n’étaient pas partis manger flânaient sans doute dehors pour profiter du soleil. L’été venait de commencer et il faisait un temps splendide qui aurait découragé n’importe qui de rester cloîtré à l’intérieur de l’académie. Désireuse de voir du monde autant que de profiter elle aussi de la chaleur du midi, la jeune éleveuse prit sans se presser le chemin du parc. Une fois sortie à l’air libre elle repéra un banc situé non loin s’y installa avec un soupir de soulagement, déposant ses affaires et étendant ses jambes meurtries par le voyage. Arrivée de Kanto depuis à peine une heure, elle avait dû grimper au troisième étage pour atteindre sa chambre et y déposer ses bagages, puis redescendre au secrétariat - à l’autre bout de l’académie - afin de régler les formalités administratives que son retour imposait. Elle avait été absente durant plusieurs semaines, appelée au chevet de son jeune frère malade, et avait de ce fait manqué de nombreux cours. Cours qu’elle devrait rattraper dès que possible. Heureusement, Éloi s’en était sorti, et savoir qu’il allait mieux aiderait sans aucun doute la jeune éleveuse à rattraper son retard académique.

Dès qu’ils furent dans le parc, Biron les abandonna pour aller inspecter un buisson non loin, zigzagant le nez au sol de sorte qu’aucune odeur ne lui échappe. Oubliant miraculeusement sa fatigue, Jak le suivit à tire d’ailes, prétextant le surveiller pour lui éviter des ennuis. C’était un fait, le zigzaton se mettait continuellement dans le pétrin. Mais Éliane se doutait que la protection de son compagnon à quatre pattes n’était pas la seule motivation du pijako. Jak tentait de faire croire à son éleveuse qu’il détestait le zigzaton, mais cette dernière savait qu’au fond, il aimait bien passer du temps à flâner – et s’attirer des ennuis - en sa compagnie.

« Hey, les gars! Vous m’abandonnez? »

Si ses deux pokémons lui répondirent, Éliane ne l’entendit pas.

« Merci de votre considération » maugréa-t-elle avec ironie.

Hors de question qu'elle les poursuive. Ses muscles lui reprochaient déjà son voyage depuis Carmin-sur-Mer et, de ce fait, elle préférait grandement rester assise là plutôt que de courir après les deux fuyards. Ils reviendraient lorsqu'ils en auraient fini de leur exploration. Ou lorsque la fatigue aurait raison d'eux aussi. Avec un soupir, la jeune femme se tourna vers ses affaires, posées sur le banc à ses côtés, et se résigna à sortir sa guitare de son étui. Elle avait hésité à la traîner avec elle jusqu’au secrétariat avant de finalement se décider à l’emporter. Elle se félicitait désormais de cette initiative qui lui permettrait de passer le temps.

Après quelques brefs ajustements, elle entama un morceau au hasard. Le son de la guitare s’éleva dans l’air chaud. En l’absence de Jak pour lui pour lui annoncer la venue de quelqu’un d’autre – le pijako était un moyen assez efficace de remplacer son oreille gauche qui ne fonctionnait plus - Éliane ne se rendit même pas compte du bruit de pas qui s'approchait.

HRP: