Juste Un Repas[Solo, Gage]

Ce n’était qu’un jour comme les autres, un morceau identique aux autres du quotidien. Il était à peu près midi et nous nous trouvions à la cafétéria, Hoshi et moi. Les cours venaient de prendre fin, me libérant ainsi de cet infernal univers mathématiques où les chiffres ne cessaient de frapper violemment mon moral, dévorant ainsi la patience que j’accordais à cette horlogère dont les aiguilles semblaient tourner au ralenti, comme si le temps était piégé dans cette salle qui, pour être franc, n’était guère chère à mon cœur. Mais qu’importe, ce n’était à présent plus qu’un mauvais souvenir qui reviendrait me hanter l’espace de quarante-cinq longues minutes dévastatrices le lendemain. Et tandis que je chassais du mieux que je le pouvais toutes ces lois de calcul littérales, tous ces X, tous ces Y, toutes ces monômes, toutes ces fractions qui n’avaient de cesse de s’aligner, de se mélanger, de se compliquer, de se simplifier, mon regard fatigué par tant d’exposants et d’expressions littérales se déposa sur le menu du jour. Salade, bolognaise, éternel classique, et enfin pâtisseries fraîches au choix. Miracle, encore une appellation fort déviée de « desserts achetés sur le commerce parce que c’était moins cher » signalé par l’absence de « fait maison » pourtant si rassurant même si mensonger et amplifié par ce « au choix » qui trahissait une forte diversité de produit. Ne venez pas me dire qu’un simple cuisinier s’amuserait à préparer tant de choses en si grandes quantités. Vous l’aurez compris, ce jour-ci, la gourmandise des plus naïfs friands de sucre allait être comblée par des produits tout droit sortis de fabuleux emballages plastiques dans lesquels beaucoup de conservateurs avaient été ajoutés. Charmant. Je me dirigeais vers la queue inévitable pour tous ceux qui souhaitaient s’alimenter, qu’importe ce qu’ils aimaient faire en cours : discuter sans se soucier de la discrétion, étudier comme s’il n’y avait que cela dans la vie, faire rager les professeurs en un claquement de doigts, jouer aux innocents quand la vérité éclate, charmer les camarades de classe grâce à un battement de cils, chahuter à l’aide d’avions en papier aussi fragiles que la maturité de ceux qui faisaient cela. Oui, nous devions tous passés par ici pour pouvoir goûter aux délicieux repas préparés par ces usines qui ne demandaient que ça, nous gaver d’amplificateurs de goût pas tout à fait sains. Pourtant, au final, je m’en fichais quelque peu. J’avais faim, je voulais manger le reste, je n’en avais pas grand-chose à faire. Tant pis pour la diététique et ses fabuleuses règles aussi amusantes que celles proposées par l’univers numériques, je voulais m’amuser autrement aujourd’hui, je désirais jouer à un autre jeu qui lui n’était pas strict. Have Fun, pour une fois. J’étais au moins sûr et certain de manger comme les autres, je n’étais pas non plus du genre à me salir comme un petit Groret à tout bout de champs, non, ça c’est plutôt Hoshi le grand gourmand qui ne pensait qu’à manger.