On est coordinatrice ou on ne l'est pas [Solo]

Je hais l'hiver.
Il fait froid, tout est moche, on est jamais pas sûrs qu'il neige et dans l'Académie, on a cours malgré le chauffage coupé et les -10°C dans les classes.
Génial ! Direz-vous. Car, oui, l'hiver est fini, laissant place au printemps : le retour des pokémon migrateurs, de l'herbe verte, des petites fleurs... Seulement... Je hais le printemps. Vous avez beau dire que je ne suis jamais contente, je m'en fiche. J'avais mes raisons d'être énervée. La température avait à peine augmenté depuis Décembre, laissant juste fondre les rivières et, à mon grand malheur, la boue. Il y en avait partout, j'avais l'impression que des extraterrestres flasques et marron avaient envahi la région rien qu'en jetant un coup d’œil à l'extérieur. Ce n'était pas mon Osselait que ça gênait : son type Sol lui faisait tout naturellement adorer la terre, son élément. Aussi, il n'était pas rare de le voir se rouler dans la gadoue quand je prenais l'initiative de me promener avec lui dans le parc ou la forêt. Croyez-moi, c'était beaucoup moins drôle de devoir l'obliger à aller se baigner dans le lac ou encore pire, de devoir le laver pour qu'on m'autorise à entrer dans l'école.

Justement, pour éviter un incident de ce genre, j'avais ce jour-là laissé Ivan dans ma chambre. J'avais un peu peur de l'état dans lequel je retrouverais le lit et les pauvres élèves qui se tromperaient de porte... mais tous les sacrifices étaient bons : je devais être dans une tenue impeccable. Si je voulais devenir un jour une coordinatrice digne de ce nom, ce n'était pas avec des vêtements tachés que j'allais y arriver. Et, comme je devais visiter le centre d'adoption (et par conséquent me montrer en public), je soignais mon image.
Ce que j'allais faire au centre d'adoption ? Officiellement, j'accueillerais un pokémon dans mon équipe, faisant par cette occasion une bonne action. En réalité, j'allais juste regarder vite fait si l'une des créatures était digne de me rejoindre. D'après un magazine que j'avais lu sur les concours, les juges aimaient bien le mignon et l'élégance : autrement dit : pas question d'adopter un Onix ! Je me retins de rire en m'imaginant revenir aux côtés d'un serpent rocheux géant.

Laaaaaaaaaaaiiiiiiiit !

Ce cri me tira de mes pensées. Il m'était désagréablement familier. C'était celui d'un Osselait. Or, il me semblait que le mien était un des seuls de l'Académie. Je me retournai, ayant un instant l'espoir de voir l'unique autre représentant de cette espèce combattre avec son dresseur... mais ce fut bien Ivan que je vis me foncer dessus, les larmes aux yeux. Juste... comment avait-il fait pour venir jusqu'à moi alors que j'avais fermé ma cham-... Aïe. Je craignais sérieusement pour ma porte.
Sans que j'aie pu réagir, il me sauta dessus et me fit tomber à la renverse avec ses six petits kilos. Je pensai évidemment à le gronder pour ce qu'il venait de faire, avant de remarquer où je m'étais étalée : une J8☺5G©U#B89◙8BK de flaque de boue ! Mon ensemble était ruiné, mes cheveux étaient teints couleur caca d'oie... J'étais bonne à rentrer me changer.

***

Il s'était avéré que grâce à mon merveilleux pokémon, tous mes habits étaient bons pour une lessive. Quant à mes cheveux... ça me faisait mal de me le dire mais... comme mon compagnon m'avait sauté sur la tête, alors qu'il venait de de traverser la forêt, tout collant de résine... j'avais du me résigner à les couper... Oh, ce serait passé s'il n'y avait eu qu'une dizaine de centimètres de touchés... seulement, avec de bonus de la boue, j'étais bonne pour la coiffure à la garçonne. Déjà que je n'avais pas l'air très féminine... Je faillis justement désespérer lorsque, à l'accueil, on m'apprit que les seuls vêtements de rechange mis à disposition étaient pour homme. Malgré moi, je dus accepter.

Spoiler:

Bizarrement, lorsque je repartis en direction du Centre d'adoption avec mon nouveau look, personne ne réagit. Peut-être ressemblais-je tellement à un garçon qu'on ne soupçonnait pas le fait que je me sois travestie. Cela me rassura presque. La seule fois où je dus retenir mes pulsions meurtrière fut lors de mon arrivée au centre. L'infirmière me salua:

Bonjour mon garçon, je peux t'aider ?

Je baissai la tête et continuai de serrer les dents. Je savais très bien que si je lui répondais, je ne pourrais pas m'empêcher de la traiter de tous les noms d'oiseaux. Aussi, j'avais étrangement envie de garder le silence vis-à-vis de ma mésaventure.
Tentant d'oublier ce que j'avais pris pour une provocation, j'observais les pokémon mis à ma disposition. Eux aussi me fixaient avec intérêt. Très peu attirèrent mon attention. Il y avait entre autres le clone d'Ivan, une loutre dépressive à nez de clown, et ce qui ressemblait à un Teddiursa albinos. Ils étaient plutôt sympa, mais m'avaient soit craché dessus, soit fui quand j'avais approché leurs cages. De toute façon, une fois l'effet de surprise passé, toutes les bestioles retournèrent au fond de leur couchette. Tous, sauf un, qui me regardait avec des étoiles dans les yeux. Je ne savais pas ce qui lui prenait ni pourquoi il s'intéressait autant à moi. Ce fut la dame aux cheveux roses qui me mit sur la voie.

On dirait que tu lui plaît bien. Vipélierre rejette toutes les filles. Bizarrement, elle n'accepte que la compagnie de dresseurs.
Mais je ne...

Encore une fois, je me tus. C'était génial... après les élèves et l'infirmière, c'étaient maintenant des pokémon qui refusaient d'admettre le fait que j'étais une fille. Je manquai de sortir, furieuse, avant de me remettre en question. Finalement, le lézard vert n'était pas si laid que ça. Au contraire, si on oubliait son drôle de caractère, il était élégant. C'était parfait pour moi, qui voulais gagner un peu d'expérience en matière de concours. Oubliant mon agacement, je me tournai vers ma chère conseillère.

Ok... je l'emmène avec moi.

Là-dessus, cette nunuche me sourit bêtement. Elle m'expliqua que je n'avais qu'à remplir les papiers d'adoption, et à faire entrer le serpent dans une pokéball. J'en avais justement trois avec moi. Lorsque la Vipélierre remarqua celle qui brillait le plus, c'est-à-dire la Luxe Ball, elle se mit à courir dans tous les sens. Ah. Parce que MADAME avait des goûts de princesse en plus... je me dis qu'elle serait légèrement déçue en apprenant qui j'étais vraiment... mais là n'était pas le souci. Maintenant que je l'avais acceptée, je ne pouvais plus faire marche arrière : elle apprendrait à me supporter, c'était dans son intérêt.