Trop de monde ! [PV - Haruna]

Dans un silence, il regarda à droite, il regarda à gauche. Il semblait n’y avoir personne dans les environs. Rassuré, il sortit de sa cachette. Pourquoi s’était-il caché ici, de nouveau ? Quel avait été son but ? Dormir tranquillement pendant la nuit passée, ou fuir un danger imminent ?

* * *

Le jour d’avant, Igôle avait commencé à explorer l’île où il avait atterrit. Si déjà il ne pouvait pas retourner sur le bateau pour retrouver sa famille, autant passer le temps ! De plus, il se doutait que le bateau remettrait assez de temps à venir. Il avait donc décidé de s’occuper avant de retourner dessus ; s’il retournerait dessus un jour ou l’autre. Cette idée-là l’avait fait frissonner ; s’il ne quittait pas l’île pour faire demi-tour dans son pays natal, c’est qu’il devait y avoir quelque chose de grave qui lui serait arrivé. Le Zigzaton était encore bien jeune, certes, mais il ne pouvait s’empêcher de penser que quelque chose d’hostile l’attendait sur cette île remplie d’inconnu. Et si quelque chose était mauvais, bien plus mauvais que le garçon qui avait attrapé sa sœur ? Et si ce quelque chose trouvait Igôle et pensait que c’était une proie facile ? Ce quelque chose le traquerait jour et nuit, sans relâche, jusqu’à ce que le petit se fatigue, et alors ce quelque chose le dévorera, et il ne restera plus rien du jeune Pokémon !
Tandis qu’Igôle se faisait une frayeur en pensant à tout ça, des cris lui étaient parvenus aux oreilles. En levant la tête, il avait reconnu des Cornèbres qui, perchées sur un arbre, ne tenaient non pas un fromage dans leur bec, mais discutaient en ricanant et en croassant. Le Zigzaton n’avait jamais aimé les Cornèbres ; il les trouvaient grossières et leur faisait peur. Mais, là, dans ce grand monde inconnu, il n’avait pas trop le choix d’essayer de faire confiance à des personnes qu’il ne connaissait pas pour rester en vie. Il avait regardé alors les oiseaux, qui continuaient à jacasser entre eux. L’un d’eux, ensuite, avait lancé à Igôle :

- [Qu’est ce que tu fais lâââ, petit ? Tu t’es perdu ?]

L’intéressé ne savait d’abord pas quoi répondre. Il resta là, la bouche ouverte, à regarder ceux qui étaient sur un arbre perchés.

- [Ââââlors, çâââ vient ou çâââ vient pâââs ?] avait ajouté un autre oiseau. [Ââââ te voir comme çââââ, on sait ce qu’est l’expression « bâââiller aux Cornèbres » !]

Ils avaient alors tous rit. Et Igôle leur avait demandé, en essayant d’ignorer leurs ricanements :

- [Mais, je suis où là ? Y a quoi dans le coin ?]
- [Lââââ, tu es sur une île. Je dirais même plus : tu es devant un ââârbre, sur lequel nous sommes perchées !]
- [Et dans le coin, il y a nous,] avait continué une autre corneille. [Mais il y a aussi le monstre.]

Le Zigzaton avait alors pris un air paniqué. Les Cornèbres l’avaient vu. Alors, elles avaient ajouté :

- [Oui, c’est un gros monstre ââââssoiffé de sang et qui ne mange que les personnes qui sont nouvelles sur l’île, âââ la tombée de la nuit. Si tu veux survivre, il va fâââlloir ruser, petit plein de poils !]

Dans un dernier ricanement, les Cornèbres s’étaient envolées et avaient laissé Igôle là, tremblant de peur. Il s’était ensuite réfugié dans un petit terrier dans le sol, pour y passer la nuit. Il avait mal dormi.

* * *

Une goutte d’eau tomba dans le cou du Zigzaton, qui frissonna. Elle était froide ! Il n’aimait pas avoir froid ! Il sautilla partout, se roula dans de l’herbe fraîche, avant de se rendre compte qu’elle aussi était mouillée et… froide. Il poussa un petit couinement plaintif et essaya de trouver un endroit sans herbe où il pourrait se sécher. En regardant autour de lui, il fut soudainement frappé d’horreur ; non, ce n’était pas le monstre assoiffé de sang qui était arrivé, même s’il avait préféré cette option. Devant lui, derrière lui, à côté de lui, loin, près, il y avait des humains partout ! Il devait sûrement y en avoir qui étaient des dresseurs, c’était sûr !
Ne pouvant réprimer un couinement, Igôle s’aplatit contre le sol, espérant que comme ça, personne ne le verrait.

La peur d’Igôle ne cessa d’accroître quand, soudain, un humain arriva vers lui. Une humaine, plutôt, devina sans mal le Zigzaton. Toujours aplatit sur le sol, il recula d’un pas, levant vers la nouvelle venue des yeux les plus innocents qu’il n’avait jamais eu. Voyant que celle-ci se baissait pour être à sa hauteur et tendait une main vers lui, il ferma les yeux ; Ça y est, elle allait lui faire du mal ! Ou alors peut-être était-elle le monstre de la nuit, qui avait pris une forme humaine, et maintenant, il venait manger le petit tout cru ? À moins que sa stratégie était autre. Peut-être allait-il l’attraper, puis l’emmener dans sa cachette, à l’abris des regards, pour qu’il n’y ait pas de témoins de la disparition du Zigzaton ? Ce dernier sentit la main se poser sur la tête. Elle ne l’emporta pas, mais se contenta de le caresser. Quoi ? Qu’est ce qu’il fait, le monstre ?

- N'aie pas peur petit Zigzaton, tout va bien.

Igôle ouvrit les yeux et leva alors la tête pour regarder à quoi ressemblait ce soi-disant monstre. Si c’en était un, il avait tout l’air d’une humaine normale. Il ne faisait même pas de gestes pouvant trahir sa méchanceté ! En croisant le regard doux et gentil de l’humaine, le Zigzaton sut alors qu’il n’avait rien à craindre d’elle. Il se faisait des idées, et les Cornèbre avaient sûrement raison : le monstre ne sortait que la nuit. La lumière du jour devait le brûler et ne laisser de lui qu’un tas de cendre !
Il se laissa caresser par l’humaine, se demandant si oui ou non elle était dresseuse. Il jeta quelques regards par-ci et par-là, ne voyant tout d’abord pas de Pokémon pouvant lui appartenir. Puis son regard se focalisa sur un Feuforêve qui était arrivé récemment. Il devait sûrement appartenir à l’humaine, mais comment savoir ? Igôle regarda droit vers le Pokémon spectre, puis ouvrit la gueule pour demander, dans la langue des Pokémon :

- [Est-ce que c’est ta dresseuse ?]

Il n’était pas sûr que le Feuforêve lui réponde. Il continua cependant à le fixer, l’air moins apeuré qu’avant.

Le Feuforêve répondit alors :

- [Non, Haruna et moi on est partenaire. Elle veut devenir Ranger.]

Igôle observa le Pokémon spectre sans vraiment comprendre. « Ranger » ? Qu’est ce que ça voulait dire, ça ? Il avait toujours entendu parler des dresseurs, qui attrapaient les Pokémon sauvages et les faisaient se combattre entre eux pour progresser et devenir plus fort. Mais qu’était-ce, un « ranger » ? Peut-être qu’ici, sur cette île, les dresseurs étaient appelés comme ça ? Mais pourquoi faire, alors ? Était-ce une tradition ? Ou cela servait-il à tromper les Pokémon sauvages ? Peut-être qu’en entendant le mot « ranger », ils pensaient être tranquilles, alors que c’était tout le contraire ! Mais le petit Zigzaton ne pouvait poser de conclusions hâtives. S’il se disait que c’était vrai, ohlàlà ! Il s’enfuirait en courant, et du coup les personnes l’entourant se poseraient beaucoup de questions. Non ; il ne devait pas fuir ! Parfois, il suffit de poser une question pour avoir une réponse aux siennes !
Le jeune Pokémon regarda un bref instant l’humaine, qui continuait à le caresser. Elle ne montrait pas de signe d’agressivité… Comment s’appelait-elle, déjà ? Le Feuforêve l’avait dit. Igôle se creusa la cervelle, restant un instant silencieux. Alors, ça lui revint : Haruna ! Il ne savait que penser de ce nom. S’il pouvait parler et qu’il disait qu’il s’appelait Igôle, que penserait-t-elle de son nom ? Peut-être la même chose que lui par rapport au sien ? Ou peut-être le trouverait-elle mignon, drôle ?
Le Zigzaton secoua soudainement vivement la tête pour remettre ses idées en place. Il avait pensé à autre chose, et avait presque faillit oublier la question qu’il voulait poser au Feuforêve ! Il détacha son regard de l’humaine et regarda le Pokémon spectre.

- [Mais, c’est quoi un « ranger » ?] s’enquit alors Igôle. Il laissa passer un silence, avant de rajouter : [Est-ce que c’est un peu comme un dresseur ? Si non, y a quoi de différent ?!]

Igôle agitait légèrement le bout de sa queue, impatient de connaître la réponse du Feuforêve.

- [C'est comme un dresseur mais, au lieu de rester pour toujours avec lui : le pokémon lui prête sa force pour sauver les gens.] répondit celui-ci.

Le petit Zigzaton en resta un instant interdit. Alors, les rangers, c’étaient des dresseurs, mais ils n’attrapaient pas les Pokémon, c’étaient les Pokémon qui voulaient eux-mêmes aider les humains ? Mais alors, si on suivait cette logique-là… Les rangers, ils sont comme les dresseurs, mais en même temps, ils ne sont pas comme les dresseurs ! La tête d’Igôle lui tournait, si bien qu’il faillit perdre l’équilibre et s’étaler de tout son long sur l’herbe. Il secoua la tête pour s’efforcer de s’emmêler les neurones. Pas besoin de s’inquiéter autant, pour l’instant, son seul soucis actuel, c’était le monstre dont avaient parlé les Cornèbres. Il n’y avait aucune raison de s’affoler pour le moment, mais une fois la nuit tombée… Brrr ! Le jeune Pokémon frissonna rien que d’y penser.
Plongé dans ses pensées, Igôle n’avait pas remarqué que l’humaine – comment s’appelait-elle, déjà ? … Ah, oui ! Haruna – avait parlé avec son Pokémon – à supposer que c’était le siens. Avec ce que le Feuforêve avait dit, le Zigzaton n’était plus vraiment sûr de rien ! Ce Feuforêve, finalement, est-ce qu’il était le Pokémon d’Haruna, ou il l’aidait seulement ? Mystère, mystère ! À présent, la ranger s’était tournée à nouveau vers Igôle. Ce dernier était plus tranquille en sa présence ; il n’était plus tapis sur le sol, à guetter les moindres de ses mouvements. Il ne faisait même plus attention aux autres humains aux alentours ! Sa méfiance avait fondu comme neige au soleil.

- Tu veux qu'on te laisse, lança l’humaine, je pense qu'il faut juste que tu t'habitues aux élèves de l'école.

Igôle lança un regard bizarre à Haruna. « Aux élèves de l’école » ? Qu’est ce que c’était, ça, des élèves ? Et aussi, qu’est ce que c’était ce mot, école ? Mais où avait-il donc atterrit ?! Le petit Pokémon voulut poser la question au Feuforêve, mais se ravisa aussitôt. Peut-être en avait-il marre d’entendre toutes les questions, sûrement évidentes du Zigzaton, et serait dans ce cas en colère s’il en posait une autre !
Néanmoins, il ne voulait pas rester ici. Il reprenait peu à peu conscience des autres humains aux alentours. Peut-être que certains d’entre eux l’observaient, avec une mauvaise idée derrière la tête. L’air effrayé, il poussa un petit cri déchirant et, la queue entre les jambes, alla se faufiler derrière Haruna pour essayer de se cacher des autres regards. Il ne voulait pas qu’elle parte maintenant en le laissant seul ! Elle n’était pas méchante, au moins !