Et bien... me voici. [PV Aimeric]

Je n'arrivais pas à y croire. Le soleil tapait fort, le ciel était bleu et l'herbe était verte. Oui, bon, rien de spécial là-dedans. C'était plutôt la vue de l'académie, qui grossissait à chacun de mes pas, qui m'ébahissait de la sorte. L'endroit semblait tellement... tellement... haut-de-gamme, peut-être ? Je n'arrivais pas à mettre le doigt sur mes impressions. Le sentiment que cet institut m'inspirait était si prenant qu'il en devenait indescriptible et sapait un peu de mon souffle. J'étais intimidée. Voilà ! Intimidée ! En même temps, il y avait de quoi, non ? Voir cette prestigieuse école en vrai différait beaucoup de l'apercevoir sur une brochure imprimée. Je cessai de progresser et posai mes mains sur mes hanches pour mieux observer Gakuen Pokémon. Fièrement dressée, spacieuse et élégante, elle ressemblait à ces écoles étrangères dont on traite dans les contes et les histoires magiques. L'académie parfaite qui accueille des tas de héros tous plus spéciaux les uns que les autres. En quelque sorte, c'était un peu le cas ; des ados et des jeunes adultes y venaient des cinq régions les plus connues du monde. Tous des jeunes, tous des êtres comme moi, dotés de buts, de rêves, d'aventures et de talents...

Je me remis en route, secouée d'un frisson. Je ne suis dire s'il s'agissait d'un frisson d'excitation ou d'appréhension. Je me trouvais loin de ma cité adorée, loin de ma patrie et des miens. D'accord, c'était le but initial : m'exiler loin de ma parfaite grande sœur et sourire à l'inconnu. Mais... si les gens me haïssaient ? Me jugeaient ? Bah ! Haussant les épaules, je décidai de ranger mes doutes pour le moment. J'avais passé la fin de l'été complètement seule et le début de l'automne à voyager sans personne pour me guider, je pouvais bien survivre à une année d'études. Qui plus est, l'arrivée dans cette académie serait comme un nouveau départ. Personne ne me connaît ici. Je pourrais mentir que personne ne s'en rendrait compte - enfin, façon de parler, puisque mes yeux trahiraient de suite mes pensées.

Arrivée juste en face de l'édifice, je notai que la plupart des étudiants - ou du moins, de ceux et celles qui passaient par là - étaient accompagnés de l'un de leurs pokémons. Il était donc permis de se lester de nos compagnons dans le cadre de nos déplacements ? Dans ce cas, je n'hésiterais pas une seconde de plus. Je m'emparai de la Pokéball d'Aeros et le libérai. Il apparut dans un rayon rougeoyant à mes pieds, secoua sa fourrure mauve et agita ses antennes.

« Mimitoss ! *Alice !* » fit-il joyeusement en m'apercevant.

Je me penchai pour le caresser amicalement. Il ferma les yeux, savourant le contact, puis les rouvrit d'une traite, brusquement. Je sursautai et fronçai les sourcils. Aeros balaya l'endroit du regard. Sans doute un comportement normal, il avait besoin de s'adapter, j'imagine. Je me redressai et remontai jusqu'à l'entrée de l'académie, m'assurant qu'il suivait. Bien que son air n'eusse pas changé, il trottinait toujours derrière moi, se balançant d'une patte à l'autre. Je me mordis la lèvre inférieure. Et s'il avait senti quelque chose ? S'il avait un mauvais pressentiment ? Uh, non. Je laissais ma peur l'emporter, voilà tout.

Cœur battant, je pénétrai à l'intérieur en laissant glisser mon sac le long de mon bras. J'attrapai la ganse et fouillai dans mon bordel jusqu'à dénicher la brochure de l'académie. Il devait bien y avoir une section, un paragraphe qui nous instruisait sur la démarche à suivre après notre arrivée... Par quoi devais-je commencer ? Passer au secrétariat ? Demander ma chambre ? Était-elle vraiment prête, dispo, postée au quatrième étage comme j'en avais fait la requête dans le formulaire d'inscription ? Rhhh, tant de questions !

« Qu'est-ce qu'on devrait faire, d'après toi ? demandai-je en jetant un regard à Aeros.
– Mimiii... *Euuhh...*
– Voilà qui m'est d'une grande aide... Allez ! » commentai-je, amusée.

J'allais devoir me fier à mon instinct... ou demander de l'aide. Hmm. Toujours à deux centimètres de ma jambe, Aeros me fixait, attendant apparemment que je me décide. Bon, tant pis. Baissant les yeux sur le feuillet de l'académie, j'errai de part et d'autres du hall en parcourant les gros titres. Alertée par un petit cri de mon starter, je relevai la tête et m'immobilisai d'une traite. Moins une ; si mon Mimitoss n'avait pas poussé cette plainte stridente typique des insectes, j'aurais foncé dans un jeune homme. La honte vint teinter mes joues de rose.

« Oh, navrée ! » m'excusai-je en agitant ma main libre. « Tu tombes bien, je dois dire ! Je... hum, en fait je viens d'arrivée et je n'ai aucune espèce d'idée... Je viens de loin et tu vois... Je ne sais pas où aller. »

Aeros se pressa davantage contre ma jambe. J'aurais aimé disparaître tant j'étais gênée. Qu'est-ce qui m'arrivait ? D'ordinaire, je n'avais pas de mal à aller vers les gens... Oh, sans doute le stress. Je décidai de ne pas trop m'en faire, et me contentai de sourire.

Soulagée, je regardai dans la direction que m'indiquait l'index de l'étranger. Je n'apercevais pas grand chose d'ici - merci ma petite taille... - mais j'étais néanmoins plus au fait de ma destination que je ne l'aurais été sans l'aide du garçon. Je lui décochai un sourire, on ne peut plus reconnaissante. La hâte me vrillait l'estomac, et je dus réprimer l'envie de courir droit vers le secrétariat pour aboutir dans ma chambre. La chambre que j'avais chez moi était des plus banales - mes parents n'acceptant pas que je colle quoique ce soit sur mes murs - et encore moins que j'y enfonce un clou, histoire de ne pas abimer le papier peint hyper laid - je fourmillais d'excitation à l'idée de posséder un endroit à moi qui soit cent pour cent personnalisable. Quant aux cours, eux aussi me donnaient envie. Plus j'en saurais sur l'élevage, plus j'en saurais sur l'homme que Rob aurait pu devenir, sur celle que je deviendrais en sa mémoire.

« Merci ! » fis-je en sautant à pieds joints dans le moment présent. « C'est apprécié. Il faut dire que je suis plutôt nerveuse... c'est la première fois que je m'éloigne de chez moi comme ça... mais je l'ai déjà dit. » J'inclinai le regard et observai mes ongles, honteuse.

Qu'est-ce qui me prenait de raconter ma vie comme ça ? La dernière chose que je voulais, c'était bien de gêner le jeune homme par ma présence ou mon babillage. Pourquoi n'étais-je pas capable de le remercier tout bonnement, comme l'aurait fait n'importe quelle fille normale ? Rhh...

Du coin de l'oeil, j'aperçus une forme en déplacement. Curieuse, je la mirai avec plus d'attention. Il s'agissait d'un pokémon, un ourson bleuté. Sans doute la créature la plus mignonne que j'eusse jamais vue auparavant, Aeros excepté. Parlant de lui, c'est vers mon pokémon que se dirigeait le petit ours. Une seconde durant, je m'inquiétai de la réaction de l'insecte. Il n'avait jamais vraiment échangé avec d'autres pokémons auparavant. Sur le bateau, il s'était plutôt caché dans mes jupes pour éviter les Goélise qui planaient par là. Mais heureusement, lorsque l'autre s'exclama « Rhume! », Aeros remua joyeusement les antennes et répliqua tout aussi jovialement « Mimi, Mimitoss ! *Et moi, Aeros !* ». Positivement étonnée, je laissai tomber un petit rire attendri, qui ne fit que se renforcer lorsque l'ourson éternua.

« On dirait bien que nos pokémons s'entendent... enfin, il est bien à toi, non ? » questionnai-je en reportant mon attention sur le garçon. J'avais l'impression de commettre une idiotie après l'autre. Pour le coup, Aeros était bien moins étrange que moi - il avait même une longueur d'avance sur les bonnes manières ; il s'était présenté, lui. « En passant, je suis Alizea Alice. Ou tout simplement Alice. »

Voilà qui bouclait les présentations - du moins, de mon coté. Une fois de plus, je me fis violence, cette fois pour ravaler les questions qui me titillaient la langue. Ce jeune homme et son pokémon devaient venir de loin. Jamais je n'avais vu une créature de cette espèce avant, sauf peut-être à la télévision. Il faut dire que je ne prêtais pas une attention particulière aux documentaires qu'écoutaient papa. Les reportages sur les autres régions m'intéressaient peu, quand bien même j'avais soif de connaissances. Contradictoire, mais vrai. Sans cesser de sourire, je tentai un pas en direction des deux petits monstres. Lentement, je m'accroupis et élevai la main.

« Je peux ? » demandai-je au jeune homme, indiquant d'un geste l'intention que j'avais de caresser le petit ours. Il était tellement mignon... Il semblait si doux, en dépit du froid qui semblait émaner de lui.

Dans un geste un peu sec, Aeros se détourna et se laissa tomber en position assise, à croire qu'il me faisait la gueule. Je ne sus que faire - sourire ou grimacer ? rire ou stresser ? La jalousie de mon Mimitoss s'avérait de plus en plus grandiose, apparemment. Je n'avais pas encore posé le petit doigt sur l'ourson qu'il boudait déjà. Somme toute, mieux valait peut-être qu'il boude plutôt que de se lancer dans une pluie de jérémiades et d'ultrasons... Tout de même...

« Désolée... Il est un peu jaloux par temps. » indiquai-je, à nouveau honteuse.

Je n'avais rien à prouver, mais considérant ma bêtise actuelle, je n'avais pas trop envie de me récolter le double de honte à cause de l'attitude d'Aeros. Le concerné poussa un « Mimitoss ! » moindrement frustré, probablement indigné d'être décrit comme un insecte jaloux. La vérité choque, à ce qu'on dit... Cette fois-ci, je rigolai légèrement. D'accord, il avait un caractère de m..., mais à bien y penser, c'était carrément chou. Évidemment, j'allais devoir faire gaffe avec ça, prendre des précautions en ce qui concernait les autres pokémons et les gens que je côtoyais, mais j'avais confiance. J'espérais juste que mon inexpérience ne me fasse pas trop la vie dure.