[Terminé] L'ode d'une ombre symphoniquement mélodieuse.

Hana Watanabe.
Ca faisait très longtemps. Désormais, ce nom ne signifiait presque plus rien pour Mégami. Il devenait peu à peu comme tous les autres noms qu’il avait connu durant toute sa vie. Pourtant, c’était différent. Sa rencontre avec elle avait eu l’air d’une rencontre anodine, mais il n’en était rien. C’était un jour neigeux, autrement dit le temps où Mégami se sentait le plus spirituel, sage, ou encore émotionnel, possible. Sans que cette Hana n’ai fait quelque chose de particulier, sans qu’elle ne s’en rende compte, elle avait affecté Mégami. C’était lorsqu’il avait voulu observer ses deux coéquipières de mission pour savoir comment leur parler, comment faire un plan avec elles, la base quoi. Ca n’avait pas posé de problèmes pour la première, Rika Hikari. Mais dès que le dresseur avait tenté d’analyser également la fille aux cheveux roses pâles, il n’avait pas tenu cinq secondes. Une sensation, ou plutôt un mélange de sensations, s’était alors emparé de lui sans qu’il ne comprenne pourquoi. Même aujourd’hui, il ne le savait toujours pas. C’était comme si... comme si il était redevable de quelque chose à cette fille, comme s’il voulait la remercier alors qu’il ne l’avait absolument jamais vu auparavant. Et en même temps, il était répugné par elle. Il n’avait pas envie de coopérer avec elle, comme une certaine méfiance venue de nulle part. Ca avait été un vrai combat dans sa tête, d’où la très forte migraine qu’il avait eu par la suite, certainement.
Mais le problème fut réglé. Très bien, c’est cool ça, mais de quelle manière ? Pas la meilleure. Loin de là.
Elle était tout simplement partie. En cours de la mission, elle était revenue à l’académie, avait prit ses affaires et avait déguerpi de l’académie en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Cela laissait vraiment un goût amer dans la bouche de Mégami. Il avait déjà vécu ça une fois en plus, lorsqu’une certaine Kaori Nariya l’avait défié. Elle était aussi partie en plein cours du match, alors que le blond avait comme le pressentiment que cette rencontre changerait quelque chose dans sa vie. Cependant, même à ce moment, cette « déception », si on peut appeler cela comme ça, était bien moins importante que lorsque Mégami avait appris pour Hana. Et le pire dans tout ça, c’est qu’un autre pressentiment lui disait qu’il ne les reverrait jamais, ces deux-là. Jamais il n’aura la moindre occasion de questionner Hana, jamais il ne pourra en apprendre plus sur elle, afin de comprendre d’où venait ce trouble.
Et après tout ce temps, il commençait seulement à se faire une raison. Ces questions seront donc sans réponses, jusqu’à la fin de sa vie, et jusqu’à la fin de sa vie il sera condamné à rager intérieurement pour cette raison. Comme pour toutes les autres foutues questions qu’il se posait légitimement, comme pour toutes les foutues incohérences qu’il relevait et qui ne choquait qu’une poignée de personnes pas fichues de s’en intéresser plus que ça.
En fait, ça pouvait paraître extrêmement cliché, mais le jeune homme ne trouvait plus de sens à sa vie. Y en avait-t-il déjà eu un, au moins ? Il avait décidé de devenir dresseur, mais il n’avait pas de rêve à proprement parler. Il était dans une académie Pokémon, mais il ne voyait pas pourquoi. Pourquoi il existait, d’ailleurs ? Si son destin était de sans cesse remettre en question la cohérence du monde dans lequel il vivait, pourquoi vivait-il ? N’était-est-ce pas une preuve d’erreur de la nature ?
Ne vous faites pas d’idées, il était hors de question de se donner la mort. Mégami avait toujours considéré ça idiot de le faire pour la moindre petite broutille. Certains s’imaginent que la mort, c’est les petits oiseaux qui chantant et le soleil qui brille, en train de se reposer sur des nuages. Mais qui est venu pour le dire, ça ? Pourquoi ça ne serait pas tout l’inverse ? Personne ne le sait, et c’est pourquoi il faut vivre à fond ce que l’on est aujourd’hui.
Donc non, Mégami n’était pas suicidaire. Mais, alors qu’il commençait à justement aller mieux, il commençait presque à déprimer en repensant à cette Hana Watanabe. Pourquoi est-ce que c’était tombé sur lui... tchh, et évidemment, comme les émotions ne se décrivent pas, il était juste impensable d’en parler à quelqu’un. Déjà parce qu’il n’était pas du tout de ce genre, et aussi parce qu’il aurait le droit à un ridicule « C’est parce que tu l’aimes que t’es déçu. ». Pour la dernière fois, non il ne l’aimait pas, et il snobait tous ceux qui prônaient le contraire, c’est pas de sa faute s’ils étaient pas assez ouverts d’esprits pour reconnaître qu’avoir un sentiment étrange via quelqu’un du sexe opposé ce n’était pas forcément de l’amour.

Bon Dieu. Et dire qu’il pensait à tout ça en pleine nuit, alors que les autres dormaient paisiblement. Il ne pouvait pas rester cloîtré dans sa chambre, cette fois, il avait décidé d’en finir pour de bon avec ce souvenir et de se dire « C’est bon Mégami, tu ne dois pas enrager de savoir que tu n’auras jamais de réponses, tu dois l’accepter maintenant et relativiser. ». Il devait prendre l’air, dans les couloirs, dans le hall, peut importe, de toute façon il était resté habillé à cause de cette histoire, il avait juste enlevé son manteau, qu’il remit donc par la même occasion.
Il ouvrit doucement la porte de sa chambre, et s’apprêtait à sortir silencieusement, quand un bruit de ferraille le fit définitivement sortir de ses pensées. Eh merde, ça serait pas pour ce soir qu’il accepterait ce qu’il lui était arrivé. Question discrétion, c’était râpé.
Une chaîne glissa. C’est le glissement des mailles de fer qui le fit penser à Mégami. Il tourna la tête en direction de ce boucan et se rappela aussitôt qu’il n’y avait qu’une porte verrouillée avec une chaîne, au quatrième étage. Celle qui menait au toit. Eh oui, au bout d’un moment, mine de rien, on commençait à l’enregistrer le plan de l’académie.
En tout cas, il n’y avait pas de doutes : quelqu’un était bien passé par la porte, les cadenas ne s’excitent pas tous seuls comme ça, sans raison. Même avec une raison d’ailleurs, en fait. Remarque, ça serait assez marrant, tiens. « Wooooooouuuuuuuuuuuh, je suis le cadenas, je voltige et j’enlève ma chaîne ! » Marrant pour Mégami, bien sûr, même si l’heure n’était pas vraiment à la rigolade.
La probabilité que ceci soit l’exploit d’un élève en ayant plus dans les bras que dans la tête était du coup assez élevée. Oui, parce que si quelqu’un voulait s’introduire dans l’académie, s’il y a bien un point sur lequel Mégami n’avait rien à redire, c’était la sécurité du bâtiment. Donc, si quelqu’un était parvenu à entrer dans cette académie, ça aurait été étonnant qu’il fasse tout foirer avec un vacarme pareil. Etonnant et incroyablement con, aussi.
Bref, il avait quand même bien envie de voir qui était l’auteur de cette idée ma foi fort brillante, et en plus, pour prendre l’air, le toit semblait justement l’endroit idéal, même si merde quoi, il devait faire froid là-haut, même pour Mégami.

Le blond aux yeux bleus prit donc la décision d’emboîter le pas à son prédécesseur en remettant lui aussi la chaîne en place après avoir passé la porte. Il grimpa encore quelques marches et vit une silhouette, sûrement celle de celui qui avait décidé de péter le cadenas.
Mégami s’avança doucement, lui aussi vers un muret, regardant l’horizon même si de toute évidence il n’en voyait pas beaucoup, la lumière de la lune suffisant tout de même à éclairer une partie du paysage. Une chose était sûre, il ne faisait effectivement pas chaud ici, mais étonnamment, ça allait, il faisait pas si froid non plus, en tout cas, l’originaire de Bourg-Geon n’avait pas froid du tout.
Puis, c’est alors que lui vint une formidable idée, résumant bien son caractère, une idée originale, celle de lancer une réplique donc l’audace n’avait d’égale que son sarcasme. C’est ainsi que, doucement mais suffisamment fort pour faire style « Je veux pas que tu entendes ce que je dis, mais je le dis quand même assez fort pour que tu puisses l’entendre », il dit à l’intention de l’autre personne présente, tout en fourrant les mains dans les poches de son manteau :

-Tiens, c’est marrant ça, j’aurais juré qu’il y avait un cadenas maintenant la porte fermée pour nous empêcher d’avoir l’idée d’aller sur le toit en pleine nuit... Oh bah il a dû disparaître.

Ah, le sarcasme, il aimait ça.

Oh, mais tiens donc. Là, Mégami pouvait réviser son jugement, pour sûr. Un mouton ou une brute n’aurait jamais répondu de cette manière, il s’agissait donc sans hésitations de quelqu’un de plutôt intelligent, qui eut même la présence d’esprit d’arrêter au sujet du cadenas à temps. Les plus courtes sont les meilleures après tout, et si ils continuaient sur le même sujet, l’ironie n’allait plus être drôle mais lourde.
Cependant, cette personne avait bien confirmée qu’elle était élève, comme le dresseur le pensait. Et, du point de vue de Mégami pour l’instant, du moins, elle se prenait un peu trop au sérieux. Penser qu’il suffisait de lui sortir une phrase longue faussement argumentée pour se débarrasser de lui était une erreur, au contraire, ça l’incitait plutôt à poursuivre la conversation et à prouver par tous les moyens que c’est lui qui avait raison. Que ce soit vrai ou non d’ailleurs, mais bon, il était né comme ça, une fois un débat lancé, Mégami supportait mal qu’il ai eu tort. Pour l’instant, il avait encore assez d’atouts dans sa manche pour s’avouer vaincu.
La lumière de la lune disparue, le blond aux yeux bleus pouvait encore moins discerner son interlocuteur, mais il lui semblait bien qu’il n’était pas un ancien élève, plutôt nouveau, même. Au passage, tant qu’on parle de la lumière lunaire, Mégami préférait lui-même la lune au soleil. Bon, bien sûr, un peu de soleil de temps en temps, ça ne faisait pas de mal, après tout on a besoin de soleil pour vivre. Mais le soleil assèche, le soleil fait transpirer, le soleil agresse, et les yeux bleus, il faut avouer que ça supporte assez mal le soleil en général. La lune ne fait rien de tout ça, au moins. Pareil pour la pluie d’ailleurs, Mégami préfère également la pluie au soleil. Et la neige... mais on en a déjà parlé.
C’est sans se soucier que l’inconnu ne prenait même pas la peine de le regarder en face que Mégami se tourna vers lui et continua la discussion.

-Non je te rassure, ma passion n’est pas d’ennuyer les élèves insomniaques, j’ai autre chose à faire de ma vie et de ma nuit... mais bon, je trouve quand même ça assez injustifié que quelqu’un qui force un cadenas me dise ça. Excuse-moi, mais donner un grand coup dedans, c’était peut-être pas la meilleure solution, tu devrais être content qu’il n’y a que moi qui me sois levé. Les autres ont un sommeil de plomb apparemment. En tout cas, de la part de quelqu’un qui dit ne jamais prendre de risques, c’est surprenant. Et d’ailleurs, si t’étais aussi prudent que tu l’affirmes, tu saurais que le risque zéro n’existe pas.
Pour résumer, je suis pas bien convaincu de ce que tu viens de me raconter.

La réponse était peut-être un peu acide, mais malgré tout Mégami n’avait pas l’intention de passer sa nuit ici, déjà que c’était foutu pour ce qu’il avait prévu de faire à l’origine, alors autant tout déballer dès le début.
En attendant, le jeune homme s’imprégna de l’environnement ténébreux, du souffle du vent qui se frottait contre son visage et passait à travers ses vêtements, tout en fermant lui aussi les yeux afin de s’habituer plus rapidement à l’obscurité. Il frissonna légèrement pendant un court instant en prenant conscience de cette brise, puis ce changement de température cessa au moment où il réussi à se dire que le vent n’était pas là pour le refroidir, mais pour d’autres tâches bien plus nobles comme faire fonctionner le monde, tout simplement. Ouais, c’était une étrange façon de penser, mais Mégami avait toujours eu un respect inné envers la nature et malgré ce qu’il disait, le soleil n’était pas là pour assécher, mais bien parce qu’il était lui aussi essentiel à l’équilibre du monde. Et dire que c’était l’humain qui avait réussi à dérégler tout ce système à lui tout seul... dommage, il pouvait pourtant faire preuve de bien plus de bienveillance que n’importe quel autre animal. Un beau gâchis, oui. Heureusement qu’il avait tout de même fait beaucoup de bonnes choses. On pouvait se demander, du coup, s’il valait mieux être intelligent ou ne pas l’être... mais ça, c’était une question de philosophie, et l’heure n’était pas vraiment à ça.

« Humain » ? « Etudiant » ? Wow... Why so dark ?
Sérieusement, quelle était cette façon étrange d’appeler Mégami ? OK, il ne connaissait pas son nom, mais de là à l’appeler « humain », y’avait une marge quand même. On aurait dit que ce mec parlait d’une race différente de la sienne, alors que, manifestement... sauf si le dresseur avait loupé les actualités et qu’une nouvelle race ressemblant aux humains était apparue. Mais bon, c’était pas très probable ça, honnêtement.
D’ailleurs, cet humain, comme il disait, assez dark, venait de lui faire tout un discours pour lui prouver qu’il avait raison. Ah, intéressant, donc Mégami se trouvait face à un têtu, comme lui. La conversation était donc partie pour durer trois heures.
N’empêche... fallait suivre avec ce gars. Déblatérer autant de probabilités sans s’arrêter presque, c’était quelque chose quand même. On aurait dit qu’il avait même pas reprit son souffle. Une vie faite de probabilités, ça doit être vachement triste et pas amusant, quand même.
Mais quelque chose gênait le blond aux yeux bleus -qui les avait d’ailleurs rouverts-. Son interlocuteur était sûr de lui. Trop sûr de lui. Et donc, que cela voulait-il dire ? Ca voulait dire que Mégami était décidé à lui mettre des bâtons dans les roues même s’il n’arrivait pas à lui prouver au final qu’il avait eu tort. Déjà que de base, Mégami n’aimait pas vraiment les gens qui se surestimaient, mais en plus il avait eu certaines mauvaises expériences avec ceux-ci... Remarque, en un sens, elle était drôle la Kayline Lewis.
Bref, autant partir sur de bonnes bases, tout de même, pour pas que la suite soit trop hostile, et c’est ainsi que le jeune dresseur se décida à se présenter à sa distraction de la nuit. Au passage, un Evoli se fit entendre, le jeune homme en conclut donc qu’il venait juste de se réveiller, tout simplement parce que la nuit, un Evoli, ça dort.

-Non, ni ton prénom ni ton surnom ne me disent quelque chose. Enfin je pense que c’est normal étant donné que t’es assez nouveau, il me semble, je t’ai jamais vu avant. Et je t’appellerai Kaos, j’aime pas les surnoms.

Ca, c’était à moitié vrai. A l’oral, Mégami appelait toujours les autres par leurs prénoms, sauf les moutons, mais en vérité, dans sa tête, tous les charmants surnoms qu’il donnait à ceux qu’il rencontrait, c’était assez drôle. L’incompétente, les deux manchots, l’OGM, maquillage-sur-pattes, Monsieur Je-fais-mon-mystérieux... il en avait une ribambelle comme ceux-ci. Mais il ne connaissait pas assez Kaos pour décider. Enfin, c’était quand même bien parti pour « Le mec dark ».

-Moi, je m’appelle Mégami, et j’ai pas de surnom distinctif, sauf ceux que me donnent les moutons de temps en temps mais ils comptent pas. Au passage, désolé pour ton Evoli, j’voulais pas le réveiller.

Même si, du point de vue de Mégami, c’était pas très malin d’emmener son Evoli sur le toit d’un bâtiment. Au fait, le gars qui se tenait devant Mégami, il avait pas l’air d’avoir froid non plus, tiens. Et pourtant il était pas chaudement habillé.

-En plus, je trouve pas ça génial d’appeler les gens en fonction de la couleur de leurs vêtements, sinon moi faudrait m’appeler Blue-Grey Green Black et question longueur c’est pas le top, bref, on s’en fout.
Une chose est sûre, tu peux m’appeler par mon prénom, ça t’évitera de m’appeler « humain », ou « étudiant », ou même « jeune »... après tout, t’es un humain, un étudiant et jeune aussi, enfin à ce que je vois.
Bref maintenant que t’as cherché à réfuter tous mes arguments, même si t’es sûr de toi, j’ai quand même envie d’essayer de te prouver que t’as tort. Tant pis si j’y arrive pas, de toute façon ça me sera bénéfique, comme on dit, on apprend plus de ses défaites que de ses victoires. Et maintenant que je suis là, j’ai pas vraiment envie de gentiment retourner dans ma chambre.
Alors attends deux secondes, je me repasse tes arguments en tête.

Là, Mégami avait dit la stricte vérité du début à la fin. Il avait toujours été beaucoup plus bavard la nuit que le jour, chose logique vu qu’on est plus émotionnel à ce moment. Et, même s’il avait déjà des contre-arguments, il se remit donc en mémoire tous ceux de son opposant pour voir ce qu’il pouvait en faire, en reposant son menton contre son poing gauche fermé à la verticale, ce bras maintenu par la main de l’autre bras. Une de ses positions favorites pour réfléchir.
Et une fois ceci fait, après une petite quinzaine de secondes, il reprit la parole, en remettant ses deux mains dans les poches de son manteau. Pour une fois cependant, Mégami était assez content, car d’habitude cela gênait les autres qu’il les fixe dans les yeux. Là, ça n’avait pas l’air de déranger le gars en noir, et ça c’était plutôt bien, ils allaient pouvoir se faire une vraie conversation sérieuse comme ça.

-OK, c’est bon. Pour commencer, je dois te dire que je ne m’embêterai pas avec des calculs et plein de trucs du genre, puisque je trouve ça inutile, surtout à une échelle aussi petite que le nombre d’étudiants dormant au dernier étage. J’expliquerai pourquoi après. Mais je tiens à préciser que ce n’est pas parce que je n’en suis pas capable que je ne le fais pas. Dans l’académie, je suis maintenant plutôt reconnu pour être un bon stratège en matière de combat, et pourtant j’ai horreur des pourcentages. Mais bon, après tout, chacun ses méthodes, on va dire.
Donc, la raison pour laquelle je ne suis toujours pas vraiment convaincu, c’est parce que tous les calculs que t’as effectué ne sont valables que si les sujets de ce calcul sont tous les mêmes et agissent tous pareil. Sinon, ça revient à calculer des x avec des y, avec des z, et avec tout ce que tu veux d’autres. Et c’est précisément le cas ici, le comportement humain est trop instable et imprévisible pour être prédit, sauf à une immense échelle évidemment, comme un pays tout entier par exemple, puisqu’on ne compte plus en humains à proprement parler mais en ensemble d’humains. Un comportement collectif est plus facile à prévoir qu’un comportement individuel.
Au dernier étage, on n’est pas assez nombreux pour qu’on puisse être considéré comme une collectivité, et surtout, on n’a presque rien en commun, on ne s’est peut-être même jamais parlé. C’est mon cas, en tout cas. Alors ta toute première probabilité, le 4%, me gêne déjà. T’aurais peut-être pu approximativement l’évaluer si t’étais ancien, c’est pas le cas et donc j’imagine que tu connais pas grand-chose aux élèves du dernier étage.
En plus, la déduction que t’as faite de ce que j’ai dit était fausse. J’ai jamais voulu te tenir responsable de mon réveil, j’ai dit que j’étais levé et que tu pouvais être content que j’ai été le seul à être levé, pas que je m’étais levé par ta faute. Je n’ai menti en rien.

Jusque là, Mégami était plutôt content de lui, ce qu’il avait dit était assez clair, de son point de vue du moins. Il fallait continuer dans ce sens.

-Une autre variable que t’as pas pu prendre en compte, c’est l’ancienneté des élèves, plus particulièrement, dans le cas présent, la mienne. Pourquoi celle des élèves ? Parce qu’un élève ancien sait pertinemment qu’il est interdit de se promener sur le toit, et malgré que quand on vienne de se réveiller, on ne peut pas analyser précisément l’origine d’un bruit brusque, d’après ce que tu dis, on peut quand même deviner qu’il s’agit d’un bruit de ferraille. Comme les portes ne sont pas métalliques, et qu’un ancien élève sait bien que la porte du toit à un cadenas, sans compter le fait que depuis que je suis ici c’est bien une des seules fois que j’entends un bruit pareil, cet ancien élève sera forcément interloqué et, pour peu qu’il ne soit pas trop flemmard, il ira vérifier ce qu’il se passe. Pas forcément, mais y’a des chances, et pas mal, je pense.
Et en parlant des autres élèves, je peux te dire qu’à cet étage, on peut trouver entre autre une gothique qui semble adorer la nuit, un poké-athlète que personne connait vraiment mais dont tout le monde sait qu’il a des capacités bien développées, et une fille plus intéressée par son ordi et ses jeux plutôt que par son lit. Ca fait déjà trois cas à part, je peux en citer d’autres mais je trouve ça inutile, l’important c’est que t’ai compris ce que je voulais dire.
Ensuite, pourquoi plus particulièrement mon ancienneté ? Parce que si tu décidais de me faire porter le chapeau pour le coup du cadenas, ça serait perdu d’avance, contrairement à si je décidais de le faire, moi. Depuis le temps, tous les profs et même le directeur savent que je suis quelqu’un qui respecte le règlement le plus possible. Je suis appliqué autant en classe que dans mes devoirs, je suis silencieux, je ne sèche jamais aucun cours, je suis respectueux, bref, impossible de leur faire croire que j’ai littéralement démoli un cadenas. Toi par contre c’est une autre histoire, comme je l’ai dit, t’es pas ancien du tout, et tu serais donc le suspect numéro 1 entre nous deux, et de loin.
M’enfin t’inquiètes, je suis pas venu pour te dénoncer, pas que ça à faire non plus. Et de toute façon, étant donné que sur un point tu me ressembles, ou du moins c’est ce que j’ai deviné, comme moi tu dois détester avoir tort et comme moi tu vas finir par t’éloigner du sujet d’origine, pour qu’au final on finisse par s’attaquer sur d’autres fronts en laissant celui-là de côté jusqu’à ce qu’on trouve une ouverture pour le reprendre d’assaut. Et on avancera jamais, ou alors dans très longtemps.

Eh voilà, c’était fini pour le moment. Si la veille on avait dit à Mégami qu’il allait entamer une conversation comme celle-ci avec un autre élève sur le toit de l’académie à trois heures du mat’, il se serait bien marré intérieurement. Comme quoi, tout pouvait arriver.
Et puis tiens, pour conclure le tout, parce que ça, ça faisait assez moche comme fin, le jeune dresseur avait une petite idée sympathique. En effet, son interlocuteur semblait jouer au shôgi, mais Mégami aussi aimait les jeux de stratégie comme ça, et plus particulièrement l’un d’eux.
Et c’est ainsi qu’avec une voix bien moins monotone que celle qu’il avait adopté pour son discours, il prononça la phrase suivante :

-Au go, c’est ce qu’on appelle un ko.

Ah ouais quand même. Ca, c’était du discours politique, pour sûr.
Mégami avait de quoi faire, là. S’il ne trouvait rien à dire après ça, c’est qu’il y avait un gros problème. Ca devait bien faire cinq minutes que Kaos avait parlé en continu. Heureusement, la majorité de son dernier monologue était erronée, tout simplement parce que le blond N’était PAS un premier de classe. Mais il le lui ferait remarquer dans peu de temps.
Par contre, ce que le gars en noir ne pouvait pas savoir –enfin ce qu’il aurait dû savoir, comme apparemment il avait déjà évalué Mégami-, c’est qu’il était quelqu’un d’extrêmement patient, et qu’il pourra attendre autant de temps qu’il le souhaite que le discours finisse, Mégami n’en sera pas agacé pour autant. Ce dernier, contrairement à son interlocuteur, n’avait d’ailleurs pas bougé d’un poil pendant l’écoute de Kaos, mis à part la tête bien évidemment, pour continuer de le regarder en face.
Oui, parce que si ce Kaos tentait de jauger le blond aux yeux bleus, celui-ci faisait de même, m’enfin c’était pas vraiment compliqué pour les deux étant donné que cette conversation révélait bien leur personnalité. Kaos était donc un de ces rebutés de la vie, qui ont perdu foi en l’humanité, dont les Pokémon sont les meilleurs amis du monde, et qui tentent donc de se rendre inaccessible, blablabla...
Bon, il exagérait un peu, Mégami n’avait véritablement rien contre ces gens, c’est juste qu’il en avait rencontré une bonne quinzaine de ce genre dans l’académie, et que la plupart le faisait juste pour se donner un style raté. Ce qui n’avait pas l’air d’être le cas de l’autre, celui-là avait l’air tellement dans ce rôle que visiblement, c’était un vrai rebuté de la vie, non pas un « cloud et tr0 d4rk je fé kom lui lol ». Qu’est-ce qui faisait dire ça à Mégami ? Simplement qu’un gars comme ça n’aurait jamais pu déblatérer autant de questions philosophiques/probabilités/scénario d’un seul coup et sur autant de longueur.
Hm, mais bref, il attendait une réponse là j’crois, non ? Ben c’est parti alors.

-Ouais, ben déjà, bien joué pour la longueur de ton monologue, je crois pas être capable d’en faire autant, je préviens d’avance. Et bien joué aussi pour tes examens passés en sans-faute, c’est pas particulièrement dur d’avoir une note correcte, mais un sans-faute j’imagine que c’est une autre paire de manche, j’en serais pas capable non plus. Surtout avec les profs spéciaux qu’il y a ici... d’ailleurs ça m’étonnerait qu’avec eux, t’ai le droit à un sans-faute, mais bon, on sait jamais, tout est possible.
Bref, on s’en fout un peu. Concernant tout ce que tu viens de dire, y’a plusieurs points où je suis parfaitement d’accord avec toi. Déjà, quand tu dis que j’ai oublié de te connaître. En fait, j’ai pas vraiment oublié, mais c’est vrai que je me fiche un peu des élèves avec qui je n’ai aucun lien particulier et que je ne m’embête donc pas à analyser chacun d’eux, j’estime avoir autre chose à faire. Donc effectivement je ne te connais pas tellement, même si je cerne peu à peu ton caractère, du coup.
Par contre, tu dis que t’as évalué chacun de nous. Je ne te crois pas. Soit tu ne l’as pas fait, soit tu l’as mal fait. Evaluer précisément toutes les personnes présentes ici, je crois que ce n’est pas possible, et je peux même l’affirmer tout de suite, en passant à ton mobile que tu viens d’inventer pour m’incriminer.

Comme Kaos, Mégami marqua lui aussi une pause, le temps qu’il prenne bien conscience de tout ce qui a déjà été dit. Cependant, Mégami lui, préférait commencer par la fin et terminer avec ce que Kaos avait dit en premier dans son discours, simplement parce que c’était plus simple pour lui de répondre directement à ce qui venait d’être dit et que c’était aussi plus honnête.

-Je ne suis pas un élève modèle. Bon, je ne dirai pas « loin de là », ou « au contraire », parce que ça serait faux, c’est clair que je me rapproche plus de l’élève modèle que de la racaille qui pense que profiter de la vie, c’est foutre le bazar en cours, pour parler poliment.
Cela dit, mon écriture et loin d’être parfaite, je peux même dire qu’elle se situe un peu en dessous de la moyenne, et surtout, il n’y a aucun participation en classe de ma part, et c’est ce qu’on me reproche le plus souvent.
Tout comme je suis pas un élève modèle, je suis pas non plus le premier de ma classe générale. Pour te le prouver, je peux même te donner son nom : il s’agit de Levy McGarden, et même elle il me semble qu’elle n’a pas des notes parfaites à tous les contrôles.
Après cette Levy, il y a trois ou quatre personnes, et en général, je me situe ensuite. Pas que je veuille raconter ma vie, mais ce que je veux dire, c’est que comme plusieurs personnes sont déjà au dessus de moi, je n’aurais aucun intérêt à me débarrasser de toi plutôt que des autres.

Ce point terminé, il refit une pause, signifiant qu’il allait lui aussi passer au concret maintenant que les points avaient été restitués aux i.

-Ca, c’est fait, donc je peux passer à la suite. On a vu que je n’étais pas un élève modèle et que par conséquent, aucun intérêt pour moi de me débarrasser de toi.
Ton cas de figure était intéressant, mais moi, je ne voyais pas la chose comme ça. Imaginons que demain, ou plutôt tout à l’heure, les membres du personnel s’aperçoivent que le cadenas de la porte menant au toit a été brisé ou enlevé, suivant ce que tu vas faire, pendant la nuit, et qu’ils décident donc de réunir les élèves par étages.
Bien entendu, ils font le coup classique du « Dénoncez-vous, ou dénoncez celui qui l’a fait si vous le savez, ou alors c’est tout le monde qui prend. » qui ne marche jamais. Eh bien, si à ce moment, je décide d’y mettre mon grain de sel, en disant que je n’arrivais pas à dormir, et qu’à un moment j’ai entendu un bruit, j’ai ouvert le porte de ma chambre et j’ai vu cet élève-là –en te désignant- se diriger vers le toit, même en te défendant, moi j’aurais donné mon témoignage et je n’aurais rien à ajouter pour le moment.
Et donc, voyant que ça se passe entre nous deux, tous les autres élèves seraient alors écartés et nous serions certainement pris à part pour en rediscuter.
Eh bien moi, au début, c’est à ce que je pensais. On se trouve tous les deux devant le directeur, par exemple, si tu décides de m’accuser, j’aurai bien plus de chances de m’en sortir que toi si je décide de t’accuser. Je ne parlais pas d’un cas où je vais moi-même dire que je t’ai vu casser un cadenas alors que personne ne m’a rien demandé. La différence, elle est là, dans ton cas, ils s’en foutent, dans mon cas de figure, ils veulent des témoignages. Ils en veulent, moi je leur en donne, et ils ont par conséquent rien à me dire, après, s’ils arrivent pas à prouver que c’est bien toi qui a fait ça, c’est pas mon problème, mais techniquement je ne peux pas être moi-même suspecté si j’agis comme ça.
Ca serait aussi plus idiot qu’autre chose, en plus : si je l’avais fait, j’aurais aucun intérêt à accuser quelqu’un d’autre en prenant le risque donc d’être moi-même découvert... surtout en accusant un surdoué qui a obtenu des sans-fautes à tous ses examens.
Bref en conclusion je suis d’accord avec toi que t’accuser sans que personne n’ai rien demandé, c’est plutôt masochiste comme comportement.

Comme quoi, finalement, ils arrivaient à se mettre d’accord sur pas mal de choses tout en restant à peu près dans leur point de vue. C’était pas si mal ça, et puis de cette manière l’orgueil de chacun n’était pas blessé. Tout le monde est content.

Et en parlant de mobile, de toute façon, pour prouver le tien, il faudrait déjà que je le connaisse... ce qui n’est pas le cas. Et j’ai pas l’intention de te le demander, tout simplement parce que ça ne se fait pas.
Bref. Maintenant que j’en ai fini avec ta dernière partie, je vais passer aux plus intéressantes. Oui parce que finalement, c’est bien beau cette histoire de cadenas mais j’avoue que j’ai une préférence pour la question que t’as soulevée vers le début. J’y viens, mais d’abord je voulais te dire que concernant le sommeil, là je te crois volontiers, je m’y connais pas assez pour avoir mon mot à dire. Disons que la seule partie qui m’intéresse dans le sommeil, ce sont les rêves, étant donné que c’est quelque chose d’encore assez mystérieux je crois bien. Donc pour le sommeil, je me contenterai d’un : D’accord, si tu le dis.
Ensuite, pour ce que tu as dit sur les horaires scolaires, eh bien justement, ça rajoute une difficulté pour en déduire une probabilité, non ? Si encore c’était possible de se coucher tous les jours à trois heures de matin, tu pourrais facilement en déduire un pourcentage. Or là, tu viens clairement de me dire que c’était pas possible et je suis d’accord aussi, on va dire, une ou deux fois toutes les semaines, bien que certaines personnes n’ai besoin que d’à peine six heures de sommeil pour être en forme le lendemain.
Le caractère aléatoire de cette possibilité qu’une nuit et pas une autre un élève décide de se coucher à point d’heure, devrait rajouter une difficulté dans ton calcul de probabilité. Comme ça dépend de chaque élève et que ce n’est pas régulier, c’est carrément impossible de le prévoir, non ? En fait, c’est pas vraiment une question, là je suis quasiment sûr de moi, pour le coup.

Waouh. Bon, on reprend un peu son souffle hein, surtout que la partie intéressante allait commencer. La partie plus philosophique, on va dire, qui rebutait habituellement les adolescents qui entraient dans les « normes ».
Et puis d’ailleurs, à force de rester dans la même position, soit debout, les mains dans les poches, Mégami commençait à avoir les membres engourdis. Surtout que, ne l’oublions pas, il était trois heures du matin.
Il sortit alors ses mains, puis avant de poursuivre cette discussion qui devenait, ma foi, forte intéressante, il s’étira les bras, tout simplement, puis d’adossa au petit muret en posant ses mains dessus, tout en continuant de regarder son « opposant », si on pouvait l’appeler ainsi.
La pierre était assez froide, mais c’était pas très important.

-Bon. J’arrive finalement au plus intéressant. Effectivement en soi on ne progresse pas simplement en perdant ou en gagnant, c’est pas magique, il faut se demander pourquoi est-ce que ça s’est passé comme ça, quelles ont été nos erreurs, etc... tu vois ce que je veux dire.
Mais je pense que si c’est quelque chose qu’on entend souvent, qu’on apprend plus de nos défaites que de nos victoires, c’est qu’on a plus de raisons d’étudier une défaite qu’une victoire, justement, et qu’il y a généralement plus de problèmes dans une défaite que dans une victoire. C’est pour ça qu’on utilise cette expression. Si tu gagnes et que tu perds un match, et qu’on te donne dix minutes pour les étudier, je pense que tu te focaliseras plus sur celui que tu as perdu.
Cependant t’as raison de dire que j’aurais pas dû penser directement à ma défaite, d’ailleurs c’est quelque chose que j’aurais jamais fait dans un match Pokémon.
Quant à la suite, je comprends bien ce que tu veux dire, à propos de la compréhension. Et là aussi je suis d’accord, quelqu’un qui ne prend pas conscience de ça ne pourra jamais devenir bon. Maintenant je vais te présenter mes méthodes.
On peut dire que je suis un dresseur « classique ». Mes captures, je les effectue par un moyen de moins en moins apprécié des dresseurs, en tout cas dans l’académie, je rencontre un Pokémon sauvage, je lui fais savoir mon intention de le capturer, et j’engage le combat en l’affaiblissant. Puis je lui lance une ball, et même s’il ne m’avait pas donné son accord, il m’appartient. Et je comprends bien que cette façon d’attraper les Pokémon puisse sembler petit à petit assez cruelle, surtout qu’il y a près d’ici un centre d’adoption dans lequel des dizaines et des dizaines de Pokémon n’attendent qu’une chose, celle de trouver un bon maître.
Mais je ne considère pas ça comme une fatalité pour ces Pokémon que je capture. Je suis d’ailleurs prêt à les relâcher s’ils manifestent vraiment l’envie de me quitter, mais je compare ça avec ce que tu as dit aussi plus tôt, une question qui m’a intéressé parce que je me la pose souvent également. En gros, c’est, vaut mieux t-il accéder à la connaissance et connaître diverses émotions, ou rester ignorant et vivre heureux ?
Lorsque je capture un Pokémon sauvage, ce n’est pas un simple arrachement à sa vie quotidienne. C’est, pour lui, l’accessibilité à la connaissance et à la prise de conscience du monde qui l’entoure. C’est un peu comme un échange équitable, je loue ses services et en contrepartie, je le nourris, je le loge, je lui fais connaître des sensations qu’il n’aurait jamais connu autrement dans sa vie sauvage, en fait, je fais de lui un Pokémon qui peut réfléchir sur lui-même et capable d’utiliser ce langage du cœur, comme tu dis.
C’est pourquoi je ne me sens pas coupable d’attraper des Pokémon sauvages de cette manière. Le lien qui se met ensuite en place entre lui, moi, et les autres membres de mon équipe fait alors partie du domaine de la spiritualité, et justement... c’est assez difficile de le décrire.
Bien sûr je suis conscient que je ne connais pas encore tous mes compagnons aussi bien les uns que les autres, et que j’ai encore des progrès à faire pour certain. Cela ne m’empêche pas non plus d’instaurer une certaine discipline sans pour autant qu’elle devienne une tyrannie... quand je dis « On rentre dans la ball », on rentre dans la ball, c’est comme ça. Et malgré tout, je sais les écouter et leur parler comme il faut, quand il faut.
En tout cas, ce sujet a l’air de te tenir à cœur. Je suppose que c’est une bonne chose.

Enfin, Mégami quitta son partenaire nocturne du regard, pour le poser devant lui, sans vraiment observer quelque chose de précis. Il croisa en même temps les bras, ça commençait à faire vraiment froid aux mains la pierre, puis passa également sa jambe droite devant sa jambe gauche, pour que son pied droit finisse juste à la gauche de son autre pied.

-Et si on discutait de ta question, donc ? Est-ce que j’aime me considérer différent des autres, ou est-ce que ça me désole de voir l’idiotie générale sans que je ne puisse rien faire ? Je crois qu’en fait, c’est un peu des deux. Comme je l’ai dit, je me suis souvent posé la question, et je peux pas nier que je me plais à me penser différent des autres. Quand on me dit que je suis bizarre, étrange, excentrique, je le prends pour un compliment. En revanche, je déteste être mis dans le même panier que les autres, par exemple dans la phrase que certaines personnes âgées aiment bien prononcer devant nous « Ah, ces jeunes ! ». Ca, j’aime pas.
Et pourtant... c’est vrai qu’inconsciemment, je sais parfaitement que je suis comme tout le monde et que je ne pourrai jamais rien y changer. Je n’ai rien de plus qu’un autre humain, je n’ai pas de pouvoirs ou d’autres trucs du genre, je suis juste un dresseur Pokémon. Juste un humain, un de ces humains qui polluent tous les jours la nature sans le moindre remords.
Mais je ne perds pas foi en l’humanité pour autant. Je sais très bien que tous les humains ne sont pas de ce genre, rien qu’à l’académie j’en ai rencontré plusieurs qui pensent la même chose que moi à ce propos. Dans le monde entier différentes actions sont effectuées pour préserver ce qui nous est donné par la nature, et c’est celles là qu’il faut soutenir, il ne faut pas se morfondre sur notre sort et ne rien essayer de changer.
Toi qui te considère comme moi, différent, et qui ne l’est pas vraiment. Si nous avons une occasion de l’être, c’est bien en prenant des initiatives que nous pensons perdues d’avance. C’est comme ça que je vois les choses. Rester dans notre coin à maudire les humains, ne nous avancera à rien, au contraire même on ne pourra que se plaindre parce que, finalement, on n’en fera pas plus que les autres pour faire bouger les choses.
Tout à l’heure, tu m’as dit que comme moi j’utilisais le terme mouton, toi tu utilisais le terme humain. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Un mouton -dans notre contexte évidemment, sinon ça veut plus rien dire-, est forcément un humain. Alors qu’un humain n’est pas forcément un mouton.
Ca veut dire que même si je considère une grande partie des élèves qui peuplent cette académie comme des moutons, et que donc j’admets qu’il en reste un certain nombre qui se démarque, toi tu considères tous les humains dans un même terme et par conséquent, tu considères qu’il n’y a aucune exception. Ca me semble un peu pessimiste comme comportement, tu crois pas ?
Aussi, je suis le genre de personne qui pense dur comme fer que la fatalité n’existe pas. C’est pour ça que je n’ai jamais cherché à calculer mon quotient intellectuel, et si tu cherches à le savoir, fais-toi plaisir, mais je n’ai pas besoin de le connaître pour avoir mes idées et mes raisonnements. Je pense bien me servir de mon intelligence et ça me suffit, je m’en contente.
Bon... je crois que mon monologue touche à sa fin. Je veux juste préciser une dernière chose. Plus l’enclot est grand, moins y’a de chances qu’on réalise notre emprisonnement. C’est vrai, j’y avais jamais réfléchi mais pas besoin d’y réfléchir très longtemps pour se rendre compte que c’est vrai, et c’est pour ça que je parlais, quand je disais moutons, de l’échelle académique uniquement, pas de l’échelle mondiale, par exemple. Je n’ai pas vraiment réfléchi à savoir si j’étais un mouton ou non à l’échelle mondiale... mais je crois, en survolant juste ce sujet, qu’il y a moyen de ne pas en être un si, comme je l’ai dit un peu plus tôt, on soutient des actions effectuées dans le but de préserver un bon monde.

La vache. Sûrement le plus grand discours qu’il ai jamais fait de toute sa vie, le jeune Hells. Un sourire apparu d’ailleurs sur son visage, et il se décida à émettre une dernière phrase à l’intention de Kaos.

-Eh ben tu vois, comme quoi... je pensais que j’arriverais jamais à faire aussi long que toi, apparemment je me suis trompé.

Mégami avait cessé de sourire. Il avait l’impression d’avoir une personne différente en face de lui. Et plus il écoutait ce très long discours, plus il avait l’impression de débattre avec un de ces illuminés qui pensent que la pokéball est une prison. Et plus cela continuait, plus il avait envie d’une seule chose, celle qu’il faisait d’habitude avec les gens qui prônaient cet avis : un petit ricanement et un « Tiens-toi au courant avant de parler d’un sujet que tu connais pas ». Chose qu’il n’allait pas faire cette fois-ci car ce personnage avait bien démontré juste avant qu’il était plus que ça. Mais s’il pensait réussir à influencer Mégami avec un monologue digne de... mince, comme elle s’appelait déjà la team d’Unys dont ils avaient parlé une fois, en cours... de la Team Plasma, voilà, eh bien il se mettait le doigt dans l’œil. Si t’es le seul convaincu de tes croyances, alors il fallait peut-être te remettre en question, garçon.

Sinon, concernant la demande de son Evoli, sur le coup, Mégami n’avait pas percuté. « Qu’ai-je dans ma poche ? » avait-il pensé, tel Bilbon Sacquet dans Bilbo le Hobbit en parlant de l’Anneau Unique.
Mégami mis alors sa main droite dans sa poche, décroisant de ce fait les bras, et se souvint alors qu’il avait reçu il y a peu un paquet d’une trentaine de bonbons au miel d’Apitrini, venant de sa sœur. Pourquoi ? Bah comme ça, simplement, cadeau de sa sœur quoi.
Bref, il avait donc effectivement trois de ces bonbons qui se trouvaient dans sa poche, pas que c’était son habitude de grignoter, au contraire, mais une fois de temps en temps ça faisait pas de mal. Donc tant qu’à faire, il en sortit un de sa poche, retira l’emballage en plastique et le déposa à côté de l’Evoli de Kaos. Sa sœur en aurait sûrement fait de même après tout.
Puis il rangea le plastique vide dans sa poche et se remit dans la même posture qu’auparavant.
Une chose était certaine, c’est pas les Evoli qui étaient en voie de disparition ici. C’était un peu ce chouchou des élèves. Le premier Pokémon qui avait accueillit Mégami dans l’académie, c’était l’Evoli de Luke Fon Fabre. C’était marrant, mais le dresseur se souvenait encore parfaitement de l’ambiance générale du hall, des petites patounes du Pokémon appuyées sur sa jambe, et du mignon petit « Evo ! » lancé par celui-ci. Et aussi de lui-même qui s’en était presque foutu, mais bon. C’était qu’un détail, hein.

Mais passons. Pour l’heure, ce qui intéressait le blond aux yeux bleus, c’était Kaos. Et il était intéressant de remarquer qu’il avait carrément changé de ton. « chiant », « ça m’emmerde », « crétin », « idiots sans cervelles », et surtout, « Je les humilierai tous en combat Pokémon ». Gné ? C’était quoi ce raisonnement de gamin ? On croyait entendre l’autre pauvre fille qui pensait que démonter tout le monde sans le moindre scrupule lui servirait à gravir les échelons.
De ce fait, Mégami se décida donc le premier à briser la chaîne des « Je te réponds point par point » et ne se focalisa que sur le sujet sur lequel Kaos était le plus sensible. Il n’aimait pas les personnes qui pensaient avoir raison sur toute la ligne et encore moins quand elles proclamaient haut et fort que tous les autres étaient dans l’erreur.

-« Tu m’as l’air bien sûr de toi, pour un aussi jeune garçon ». C’est bien ce que tu m’avais dit tout à l’heure ? Mais contrairement à toi, moi je peux me permettre d’utiliser pleinement cette phrase. Tu peux pas avoir la science infuse à ton âge, surtout pas en ce qui concerne la liaison entre humains et Pokémon, sujet débattu depuis des centaines d’années, voire des milliers. Alors désolé de te décevoir, mais effectivement je ne te crois pas. Je réponds juste non, à la majorité de ce que t’as affirmé, parce que ça fait longtemps qu’on a démontré que ce que tu défends, eh bien... c’était juste n’importe quoi.
Je sais ce que t’es en train de te dire, en ce moment même. « OK, un autre borné abruti qui veut pas voir la vérité en face, j’aurais jamais dû parler de ça. » Mais même si t’en as rien à faire de ce que je vais dire à partir de maintenant car tu seras persuadé que je suis dans l’erreur -ce qui est loin d’être le cas, bien sûr-, je vais te demander de renoncer un tant soit peu à tes principes de morale pendant quelques minutes, rien que pour avoir l’esprit assez ouvert quand t’écouteras ce que je vais dire.

Certes, Mégami était d’un seul coup moins poli, mais entendre quelqu’un lui dire qu’il avait tort en prenant comme preuve un ressenti personnel basé sur rien, surtout quand tout ceci venait d’un surdoué, ça avait le don de lui faire éprouver un minimum d’antipathie à l’égard de ce locuteur.

-Y’a quelque chose que je veux préciser avant toute chose. Il serait temps de casser ces préjugés concernant la pokéball. Elle n’est pas une prison, et pour le savoir, il ne faut pas chercher bien loin, je tiens à rappeler que la plupart des Pokémon aime rentrer dans sa pokéball. Pourquoi ? Parce qu’elle recréé un environnement holographique correspondant à l’habitat naturel de ce Pokémon. Pas la peine de me contredire, je suppose que tu connais Fargas, le célèbre fabriquant de balls d’Ecorcia ? J’ai assisté à quelques une de ses conférences, et il le disait lui-même. La pokéball n’est pas une horrible boule rouge coupant le Pokémon du monde extérieur. C’est un objet pratique, pour le dresseur mais aussi pour son Pokémon.
Alors, à partir de maintenant, évite de dire que mes Pokémon sont scellés, d’accord ? S’ils sont dedans pour dormir, par exemple, c’est leur choix, pas le mien, je les ai jamais empêchés de sortir quand ils le voulaient. Et justement j’ai un Pokémon qui préfère rester dehors plutôt que d’aller dans sa pokéball, il est justement en train de dormir sur un de mes pulls, dans ma chambre, si tu veux tout savoir.

Ouais, Wynn aimait bien dormir sur des affaires de Mégami. Au moins comme ça, elle avait son odeur pour s’endormir et elle était contente.

-Oui, tout à l’heure j’ai bien dit que quand je leur disais de rentrer dans la ball, ils rentraient dans la ball, c’est vrai. Et alors ? Ca ne les gêne pas. Parce qu’ils savent très bien que si je leur dis de le faire, c’est que j’ai une bonne raison. Et ça leur suffit de savoir que j’en ai une, parce qu’ils me font confiance.
Ensuite, je crois que tu critiquais le fait que j’établissais une hiérarchie, c'est-à-dire, je suis leur maître. Et depuis quand un maître ne peut pas être proche de ses compagnons ? J’ai dit que j’étais leur dresseur, mais ils ne sont pas mes esclaves. Tu me sembles avoir des idées bien arrêtées sur les mots « Maître », « Dresseur », « Dompteur », et je trouve ça dommage. Ca prouve bien que t’es encore loin de comprendre parfaitement le lien qui unit un humain et un Pokémon.
D’ailleurs, comment est-ce que tu pourrais le comprendre, finalement ? Tu dis que tu te fiches complètement des humains, tu dis qu’ils sont tous pareils. Mais pour établir une hypothèse sur la liaison entre un humain et un Pokémon, il faut prendre les deux en considération, pas seulement l’un ou l’autre. Alors tant que tu n’auras pas pris le bon recul pour observer sans préjugés les humains, tu seras incapable de trouver une solution miracle pour la moindre action que tu veux entreprendre. Parce que prendre du recul est une chose, mais là le problème, c’est que t’en as pris tellement que t’es complètement à côté de la plaque.
Il y a autre chose que t’oublies. En critiquant la hiérarchie établie entre un maître et son équipe en cause, alors c’est la nature entière que tu remets en cause en même temps. Les Pokémon ne sont pas égaux entre eux, c’est un fait. La plupart vivent en troupeaux, et il y a presque toujours un dominant dans un troupeau. Tout le reste du groupe est soumis à ce dominant, et ceci dans une dictature bien plus flagrante que dans le cas de mon équipe et moi. Je ne fais que continuer ce que la nature a construit, c’est-à-dire que je suis le dominant, le point de repère de mon équipe. Je maintiens le système naturel des Pokémon, mais assez bien pour qu’ils ne soient pas effrayés par ma présence. Toi par contre, même si ta volonté de mettre les Pokémon d’une équipe au même niveau que leur dresseur part d’une bonne intention, tu remets ce système en cause. Et par conséquent, tu remets la nature en cause.
Alors bien entendu, il y a des dresseurs qui mériteraient une bonne correction de la part de leurs Pokémon pour qu’ils soient dignes d’être appelés des « dresseurs », et j’en connais quelques uns. Mais quoi ? T’as l’intention de faire la chasse de tous ceux-là un par un peut-être, en les humiliant dans un combat Pokémon comme tu dis ? Impossible. Tu peux pas changer la mentalité de tout un groupe de cette ampleur seulement en mettant une raclée à des dresseurs.
Au contraire même. Avoir un esprit fermé comme le tien en pensant que sa manière est le meilleure et en refusant d’écouter les autres, ça te mènera qu’à la défaite.
J’espère que tu t’es rendu compte que t’as tenu un discours d’illuminé à la dernière partie de ton discours. Et, je te le cache pas, à un moment, j’ai eu envie de rire. Le monde n’est pas plongé dans les ténèbres, hein. Et surtout, c’est drôle de t’entendre dire que ta présence sera un jour éblouissante, toi qui t’habille en noir complet. Si j’ai bien compris, tu veux être un berger qui montrera la voie de la raison à tous les humains.
Mais non. C’est peine perdue. Tu ne seras qu’un loup. Un loup qui aura bouffé tout le troupeau pour ses intérêts personnels.
Enfin tu le seras si tu réussis. Mais comme c’est pas le cas, je dirais plutôt que t’es actuellement un louveteau qui va se casser les dents dans peu de temps en tombant sur un os un peu trop dur.
L’ouverture d’esprit, c’est sûrement la chose la plus importante au monde. C’est celui qui aura l’esprit le plus ouvert qui saura mixer toutes les bonnes idées de toutes les personnes et ce sera lui qui pourra se démarquer.
Toi, t’en es encore très loin.
Pour en revenir à notre façon d’élever nos Pokémon, je respecte ta façon. T’as choisi un chemin différent du mien et je respecte ce choix. Mais ne dis pas qu’il est meilleur que le mien, puisque tu ne le sais pas, et ça te fait perdre toute ta crédibilité. J’ai mes méthodes, t’as les tiennes, et honnêtement, il est trop tôt pour dire lequel de nous deux a raison, si c’est le cas.

Eh voilà, il en avait fini. Mégami espérait vraiment que son interlocuteur n’aurait pas une attitude bornée et n’écouterait rien de tout ce qu’il venait de lui dire, ça le décevrait profondément de la part d’un surdoué. Il devait comprendre que ni son attitude ni ses méthodes n’étaient les meilleures, et le blond savait que cette affirmation était vraie. C’est l’autre qui était dans l’erreur en ne prenant en compte que des ressentis personnels.
Mais peu importe s’il ne l’acceptait pas, après tout il le verrait bien par lui-même au fur et à mesure du temps.

Bon. Mégami essayait de se retenir et simplement de répondre à la dernière question de Kaos. Mais il en avait juste assez là, d’entendre que les liens qu’il entretenait avec ses Pokémon n’étaient rien comparé à ceux de cet inconnu. Et il fallait bien insister sur « inconnu », parce que non ils ne se connaissaient pas avant cette nuit, et quoi qu’ai pu dire l’autre « surdoué » comme il se qualifie très modestement, il n’a visiblement pas vu une once de la relation entre Mégami et son équipe. Ce gars donnait l’impression de faire un discours présidentiel et de donner des arguments convaincants tout le long, mais en vérité la moitié de son monologue était constitué de métaphores sans intérêts servant juste à lui donner un genre. S’il ne s’était pas calmé, alors le blond lui aurait bien dit qu’il s’en foutait sérieusement de savoir qu’il se prenait pour une lune ou pour un rouage, ou alors que son idéologie était une pierre à balancer dans l’eau. Cependant il avait bien l’intention de revenir sur son histoire de Noir et de Blanc puisque c’était quand même une notion élémentaire de chaque être vivant –même des Pokémon- et il était temps de la lui rappeler.

-Avant de répondre à ce que tu viens de me demander, je veux juste te dire quelques petites choses. La première, c’est que t’auras beau chercher, aucun animal ne sera complètement noir ou complètement blanc. Oui, c’est dur à admettre pour certains, mais le plus pur des Pokémon ne sera pas tout blanc. C’est le principe de Yin et Yang, tu connais je pense. Un être bon aura toujours une part de malfaisance en lui, et un être mauvais aura toujours une part de bonté en lui, autrement dit, t’auras beau le chasser autant que tu le voudras, le gris restera, tout simplement parce que le noir et le blanc n’existent pas. C’est dans la conception même de la nature.
Et en parlant de nature, tu me connais pas, tu peux pas savoir si je n’y ai jamais vécu. Donc ne t’avance pas trop vite là-dessus, je ne parlerais pas si je n’étais pas en connaissance de cause. Ce que je crois, c’est que tu te persuades que la moindre chose mauvaise dans notre monde n’est forcément pas naturelle. Mais la nature n’est pas un synonyme du bien.
Deuxième chose. Nous vivons en ce moment dans une académie, t’es bien d’accord ? Une académie, ce n’est pas la nature qui la construit toute seule, c’est complètement artificiel. Pas holographique, mais artificiel, le résultat est le même. Et il s’agit de ce qu’on pourrait appeler maintenant le « réceptacle logique de notre être » comme tu dis, alors qu’on devrait tous être en train de dormir dehors, si on étaient restés naturels. Là où tu as raison c’est que moi, personnellement, ça ne me fait pas particulièrement plaisir de voir que je vis dans un endroit artificiel et non naturel. Mais effectivement la plus grande part de la population qui en a l’occasion préfère avoir une maison et être bien chez-soi plutôt que dehors. Bien sûr le cas des Pokémon est assez différent étant donné que pour la plupart ils n’ont pas évolué dans le même sens que les humains et sont donc restés proches de la nature. Mais je voulais juste préciser ce point pour quand tu m’as demandé si ça me ferait plaisir qu’un petit objet soit mon habitat. Moi non, mais la grande majorité, oui.
Troisième chose, moins importante, je chipote un peu mais je l’ai quand même noté. T’as dit tout à l’heure « C’est votre désir de prendre le dessus ». Ah non, j’y suis pour rien moi, j’ai rien désiré du tout. Donc soit tu fais du cas par cas, ce qui risque d’être long, soit tu t’inclus dedans et tu dis « notre », parce que je suppose que quand tu disais ça, tu parlais des humains, et comme on l’a déjà dit plus tôt, je crois, on est des humains au même titre que tous les autres.
Quatrième chose. Tu connais Peter je suppose, le maître de la ligue Indigo. C’est un dresseur tellement puissant qu’il arrive sans peine au même niveau que les autres Maîtres, et est peut-être même plus fort que les autres, et pourtant, il s’agit d’un expert dracologue, donc, en théorie, il a des grosses lacunes dans son jeu. Cependant il arrive à les compenser par d’autres moyens. Inutile aussi de mentionner que Sandra, la championne d’Ebenelle et cousine de Peter, est une des meilleures championnes d’arène.
Et donc, au final ? Depuis que Peter est devenu Maître, les dracologues ne se sont pas particulièrement multipliés. Tout ça pour dire que ce n’est pas parce que tu arriverais à devenir Maître que ta parole atteindrait les dresseurs.

Bien. C’était déjà ça. Maintenant il avait encore une cinquième chose à lui dire, ou plutôt à lui répéter, en espérant que cette fois-ci il ne se borne pas et accepte qu’il peut y avoir plusieurs types de bonnes relations.
Un bon coup de vent froid se fit tout à coup sentir. Apparemment le vent se levait un peu plus qu’auparavant.
Le dresseur blond n’en fut pas perturbé pour autant et continua, en parlant d’une voix bien claire et sans hésitations pour montrer qu’il savait de quoi il parlait.

-Cinquièmement et dernièrement. En général il y a des débats qui ont lieu à propos de l’amitié et l’amour. Pour savoir lequel des deux est le plus fort. En plus d’être complètement idiots, ces débats n’ont pas à avoir lieu ; tout simplement parce que ce sont des liens différents. C’est impossible de les comparer. Et en plus, ils peuvent se cumuler.
Eh bien je t’annonce que pour la relation maître-apprenti, guide-élève, dresseur-Pokémon, c’est la même chose. Elle n’est pas comparable à l’amitié, elle est différente. Je connais les liaisons entre amis, et je connais aussi les liaisons entre un dresseur et ses Pokémon. Mon lien d’amitié avec mes Pokémon n’est peut-être pas aussi poussé que le tien, ça, d’accord. Mais par contre, ma relation avec eux en tant que guide, comme tu l’as justement dit, est bien plus élaborée que ma liaison avec eux en tant qu’ami, et pourtant ça ne m’empêche quand même pas d’être leur ami. Encore une fois c’est difficile à expliquer. Moi en tout cas, je te dis qu’un tel type de lien peut-être aussi puissant qu’un lien d’amitié. Je t’avoue que quand je suis entré à l’école, je n’y croyais pas non plus au départ, et je me demandais de quelle façon j’allais m’y prendre pour entraîner ma future équipe. J’ai découvert cette méthode, et je l’approuve.
Donc, je vais te le répéter une dernière fois : Si, un maître peut être aussi proche de ses Pokémon qu’un ami. Si tu poses une balle au centre d’une pièce, que tu vas dans un des quatre coins de la pièce, imaginons que la distance entre toi et la balle soit de 20 mètres, et qu’ensuite tu vas te mettre dans un autre coin de la pièce, alors la distance sera toujours 20 mètres mais t’auras juste changé l’angle.
Là c’est pareil. Un maître peut être très proche de ses Pokémon, mais l’approche sera juste différente qu’avec l’amitié. Je vais peut-être passer à côté de sensations que toi tu auras connu, mais l’inverse sera aussi vrai.
Je ne vois pas comment je pourrais être plus clair et c’est pour ça que quoi que tu répondes aux cinq points que je viens de citer, j’y répondrai pas, parce que comme tu dis on tourne en rond. Alors je vais te répondre.
Vas-y, annonce-moi ta grande révélation qui risque d’avoir des conséquences morales sur moi. Dis-moi ce que c’est, ça m’intéresse de savoir. Mais je pense que tu comprendras qu’après la discussion qu’on a eu et de l’entêtement dont t’as fait preuve -je dis pas ça comme une critique ou autre mais simplement la vérité, autant que moi j’étais entêté aussi-, il y a des chances pour que je ne te crois pas.

Franc jusqu’au bout. C’était une des caractéristiques de Mégami. Il savait faire preuve de tact et être franc à la fois, même si pour le coup, le tact avait plutôt été occulté. Ce genre de personnage dépressif, blasé de la vie, qui pensait avoir raison sur tout, l’ennuyait au plus haut point, surtout dans cette situation précise parce que d’habitude Mégami ne se souciait pas de ces gens et les laissait dans leur délire, mais là, c’est lui qui avait lancé la discussion, donc il était bien obligé de la terminer même si pour ça il devait se lamenter intérieurement de parler dans le vide.

Bref, restait plus qu’à voir si la fameuse révélation de l’autre se trouvait être un argument convainquant. Mégami en doutait fortement. Cette rencontre n’était pas une des plus joyeuses qu’il lui ait été donné de faire, dis-donc.


[Désolé à toi aussi pour le long temps de réponse, au moins t'as pu voir que ça m'arrivait que rarement, c'est déjà ça]

-J'y serai. Bonne fin de nuit aussi.

Et cette fois, on la faisait courte, comme l'autre avait dit. De toute façon il partait, et le jour montrerait bientôt le bout de son nez. Il laissa donc son interlocuteur s'en aller, et rejoignit sa propre chambre peu après, en se faisant discret comme il savait bien le faire.

Finalement, Mégami n'avait qu'un seul principal regret dans cette histoire : celui d'avoir parlé à un mur pendant tout le long de cette conversation. Alors que lui avait fait des efforts pour tenter de comprendre les différents points de vue de Kaos, ce dernier s'était braqué et n'avait rien voulu savoir des opinions de la personne avec qui il débattait, ce qui était quand même un comble, non ? Malheureusement, les débats intéressants, constructifs et enrichissants des deux côtés se font de plus en plus rares...
Par contre, le jeune dresseur blond avait bien noté un des derniers points du gars dark, le coup du noir et blanc séparé et non pas mélangés. En effet, Mégami reconnaissait qu'il n'avait pas pensé à ça mais que ça avait sa (grande) part de vérité, le fait que les gens ne savent pas discerner ce qu'il y a de bon ou de mauvais en eux. Pour sa part, il estimait bien se connaître et donc, sans parler de qualités ou défauts parce qu'une qualité peut très bien se transformer en défaut suivant la situation et inversement, savait ce qu'il valait, il ne se sentait donc pas visé le moins du monde. De toute façon, il savait déjà qu'avec le temps, il se connaîtrait encore de plus en plus. Enfin normal quoi, c'est pour tout le monde pareil normalement.

Bref... mis à part « déçu », il n'y avait pas beaucoup d'autres mots pour qualifier l'état du garçon au manteau bleu. Mégami ne savait pas ce que Kaos avait vécu pour en arriver à être borné sur une telle façon de penser, et ne voulait pas le savoir parce que ça ne le regardait pas, mais il devrait bien se rendre compte un jour ou l'autre que les Pokémon n'incarnaient pas des figures de sainteté en opposition à l'humain qui incarnait une figure du diable. Et de plus, même avec la meilleure volonté du monde, on ne devenait pas Maître comme ça... les gens avaient souvent du mal à comprendre qu'il n'y avait qu'un seul Maître par région et qu'il n'y aurait pas de place pour les 265886521 dresseurs qui peuplent la planète. Seuls quelques élus, sortant du lot, arriveront à percer, d'une manière conventionnelle ou non.

Mais évidemment, vous le savez maintenant, Mégami était du genre entêté quand il le voulait, et il n'aimait pas ne pas aller jusqu'au bout des choses. Donc oui, il irait le récupérer dans trois semaines, son magazine (du moins s'il s'en souvenait d'ici-là mais ça c'était une autre histoire, normalement il ne devrait pas y avoir de problèmes pour ça). Mais ce qui risquait de décevoir Kaos, c'est que le blond aux yeux bleus avait les nerfs solides et, aussi grave soit-il, ce n'est pas un petit article qui le détruirait moralement. « Supporter les conséquences morales », « vérité corrosive », « naïf des manipulations »... c'est bon, c'était pas la fin du monde non plus, détendons-nous.
Il n'espérait qu'une seule chose à présent, que leur prochaine rencontre soit plus intéressante que celle-ci ; et difficile de douter sur ce fait au vu de l'intérêt ridiculement bas de leur précédente discussion.


[Merci pour ce RP qui est maintenant (enfin) clôt ! \o/]